Pourquoi les banques françaises sont-elles en train de supprimer des postes ?
Actuellement, plusieurs banques françaises suppriment des postes dans l'Hexagone. Simple concours de circonstances ou véritable crise ? Explications.
En avril dernier, la Société Générale annonçait un plan de suppression de 1 600 postes dans le monde, dont 500 postes en France, sous la forme de rupture conventionnelle collective. Grâce à ce plan, la banque française espère réaliser quelque 500 millions d'économies, principalement sur sa banque d'investissement.
La semaine dernière, la disparition de 530 postes supplémentaires a été annoncée. Toujours sur le modèle de la rupture conventionnelle (pas de départs contraints, ni de licenciements), 360 postes de back-office sur 3 000 seront supprimés. Les 170 postes restants seront, eux, amenés à disparaître d'ici à 2021, parmi les 1 500 personnes que compte le siège. La société à également indiqué la fermeture des centres de service (CDS) de Viry-Châtillon et d'Ivry.
Dans le même temps, BNP Paribas Asset Management s'apprête également à supprimer une centaine de postes à Paris, soit 10% de ses effectifs dans la capitale, selon les informations de l'Agefi. Une situation qui interpelle. Alors que les banques accusent une baisse de rentabilité liée à la baisse des taux d'intérêts et, par extension, à la baisse du taux immobilier, plusieurs questions demeurent : les banques Françaises sont-elles les seules à supprimer des postes ? La baisse des taux est-elle la seule explication à ces plans de départ ? Et surtout, faut-il s'inquiéter ?
Une crise européenne ?
La réponse à la première question est en réalité assez logique : non, les banques françaises ne sont pas les seules à supprimer des postes. Depuis le début de l'année, au moins dix banques européennes ont annoncé la disparition de plus de 44 000 postes.
Une situation préoccupante et directement liée à la conjoncture. Difficile, en effet, de prospérer dans une période dictée par les taux d'intérêts bas fixés par la BCE et les tensions politico-commerciales qui peuvent exister entre des puissances de premier plan, comme les États-Unis et la Chine.
Même si la situation inquiète, il convient tout de même de nuancer notre propos. Parmi les banques qui suppriment des emplois, certaines comptent en créer d'autres, plus qualifiés ou dans d'autres secteurs. Ainsi, si une banque comme la Commerzbank (Allemagne) a annoncé, vendredi, la suppression de 4 300 emplois et de 200 agences, elle a, dans le même temps, indiqué la création future de 2 000 nouveaux emplois.
Pour autant, difficile de se réjouir à l'annonce de ces nouvelles. Certaines banques semblent particulièrement affaiblies par des décisions politiques et/ou géopolitiques qui ont impacté ou impacteront grandement leur stabilité.
Difficile, ici, de ne pas évoquer le cas de la Deutsche Bank, qui semble ne jamais s'être relevée de la crise monétaire de 2008. La première banque allemande a ainsi annoncé un grand plan de restructuration qui mènera à la disparition de 18 000 postes d'ici à 2022. De même, une banque comme HSBC annonçait au début de l'été le départ de son patron John Flint, ainsi que la suppression de 4 000 postes. Une décision directement liée à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, mais également aux incertitudes liées au Brexit. Par ailleurs, HSBC pourrait bien stopper ses activités liées à la banque de détail en France.
Cependant, il serait imprudent de résumer ces suppressions de poste à une simple conjoncture économico-politique peu favorable. Plusieurs de ces banques sont des établissements centenaires, dont les dirigeants sont particulièrement à même de gérer une situation économique difficile sans devoir, pour autant, couper drastiquement dans les effectifs.
Cette fois-ci, la donne est légèrement différente, puisqu'elle est également liée à une « course à l'armement » digitale de la part des banques.
Révolution digitale
En effet, nous vivons dans l'ère du numérique. Tout un tas de nouvelles possibilités s'offre ainsi aux banques, mais pas seulement. Elles doivent également s'accommoder de nouveaux devoirs, liés notamment aux nouvelles législations, comme la DSP2, et relatives à la protection des données personnelles. Mais surtout à une concurrence accrue symbolisée par l'arrivée de la banque en ligne, des néo-banques et autres FinTech, à la pointe de la technologie.
Un virage pas toujours facile à prendre pour les établissements dits « traditionnels », qui doivent s'adapter aussi bien au niveau commercial que structurel. En 2015, la Société Générale fut une des premières banques à annoncer la refonte de son réseau de détail en France. Elle justifiait alors sa décision par une baisse de la fréquentation des agences et le virage numérique.
De même, la suppression de certains postes chez BNP Paribas se justifie par l'adoption de la Solution Aladdin de BlackRock, un gestionnaire d'actifs géré, en partie, par des algorithmes via une plate-forme d'intelligence artificielle.
>> Pour aller plus loin : Les métiers de la banque de demain
Dans les faits, difficile de donner tord aux décideurs. Notamment en ce qui concerne la banque de détail. Selon un sondage publié par Moneway, une nouvelle banque en ligne en cours de lancement, les Français sont de plus en plus accros à leurs téléphones. Près de 7 Français sur 10, se connectent au moins une fois par jour à leur compte bancaire, et la plupart (65%) utilisent leur smartphone pour cela. Plus surprenant, les plus de 60 ans sont particulièrement attentifs et 71% d'entre eux consultent leurs comptes quotidiennement et via le smartphone.
Toujours selon le sondage, les banques traditionnelles sont particulièrement montrées du doigt pour leur manque d'innovation. Résultat, 78% des moins de 18 ans et 71% des 19-29 ans annoncent être attirés par les services des banques en ligne ou des néobanques.
Vers le tout digital ?
Bien évidemment, le propos de cet article n'est en aucun cas de pointer du doigt les avancées technologiques. Même si de nombreuses suppressions de postes ont été annoncé, les banques optent davantage vers des plans de départs volontaires, des départs en retraite non-remplacés ou des reclassements qui s'annoncent, néanmoins, parfois un peu compliqués.
Comme indiqué précédemment, le secteur bancaire dans son ensemble fait face à une phase de mutation profonde. Si certains postes seront supprimés, d'autres seront également crées et l'intervention humaine sera toujours nécessaire après l'intervention d'un robot.
Malgré tout, ces décisions mettent un peu plus en exergue le fait qu'il faudra parfois faire un choix entre l'humain et la machine. Et qu'à l'heure du choix, l'humain n'est pas celui qui apportera le plus de rentabilité...