Brexit : quelles conséquences pour les Français en cas de « no deal » ?
Malgré les difficultés qu'éprouve Boris Johnson à organiser le Brexit, la Commission européenne appelle les citoyens à se préparer au redouté « no deal ».
En 2016, le Royaume-Uni était le deuxième pays d'implantation des entreprises françaises à l'étranger - © Michael Jin
C'est sans doute l'un des événements politiques majeurs de la décennie. Le 23 juin 2016, le coup de poker du Premier ministre britannique David Cameron vire à la catastrophe. Le conservateur, alors en poste depuis six ans, découvre, à ses dépens, qu'une élection n'est jamais gagnée d'avance.
En effet, en ce début d'été 2016, aucun observateur n'imagine que les sujets d'Elizabeth II vont se détourner aussi nettement du projet européen. 51,9 % des électeurs préfèrent le Leave au Remain. C'est ainsi que le feuilleton du Brexit commence.
Plus de trois ans après le vote, et avec autant de Premiers ministres successifs, le Royaume-Uni est toujours un membre de l'UE et de son marché unique. Une nouvelle date fatidique a été fixée au 31 octobre 2019, mais le nouveau locataire du 10 Downing Street, Boris Johnson, peine à convaincre son parlement, au point de proposer, ce mercredi, la tenue d'élections anticipées le 15 octobre prochain. Dans cette période d'incertitude, la Commission européenne estime que le risque d'une sortie sans accord a augmenté ces dernières heures.
Un coup dur pour le commerce extérieur
Le « no deal » et sûrement le pire des scénarios envisageable. Si aucun accord de sortie n'a été validé par le parlement britannique, le Royaume-Uni, s'il maintient sa volonté de quitter l'UE, deviendra, aux yeux des Européens, un pays quelconque. De ce fait, tous les mécanismes et facilités existantes entre les deux marchés, grâce à des décennies de négociations, seront brutalement rompues.
La première conséquence pour les Français sera la hausse instantanée du prix des produits importés en provenance d'outre-Manche, du fait du relèvement des barrières douanières. En 2018, selon la Direction générale du trésor, l'Hexagone importait pour 20 milliards d'euros de marchandises au voisin britannique, faisant de lui notre 7e fournisseur. Ce premier élément peut constituer une perte de pouvoir d'achat pour les ménages.
Les exportations françaises devraient également en pâtir, et c'est sans doute là le plus grand problème. En effet, le Royaume-Uni est tout simplement l'un de nos meilleurs clients, avec, toujours selon la Direction générale du trésor, près de 32 milliards d'euros d'importations annuelles. Il s'agit de marchandises variées, comme des produits agroalimentaires, des véhicules ou encore des parfums.
Plus d'une exportation française sur vingt à destination du Royaume-Uni
Ces produits envoyés vers le Royaume-Uni représentent 6,7 % du total des exportations françaises, de quoi perturber, au mieux pendant un temps, les nombreuses entreprises tricolores qui en dépendent, sans oublier que le Royaume-Uni est notre premier partenaire en termes d'excédent commercial, qui s'établissait à 12 % l'an dernier.
En plus des biens, il y a aussi l'enjeu des échanges de services. Là encore, la France bénéficie d'un excédent commercial de 6,7 milliards d'euros en 2017, principalement grâce aux transports, aux services aux entreprises et au secteur financier. Bien sûr, même en cas de « no deal », les deux États continueront à commercer ensemble, avec la possibilité que le cours de la livre sterling influence ces échanges. Il n'en demeure pas moins qu'un Royaume-Uni hors de l'Union européenne, et surtout hors du marché commun, aura sans doute tendance à moins solliciter ses anciens partenaires européens, devenus logiquement moins compétitifs.
Ce scénario, impactant en premier lieu les entreprises, se répercuterait mécaniquement sur les ménages français, notamment à travers une baisse de pouvoir d'achat et un ralentissement de l'activité économique pouvant conduire à augmenter le chômage, actuellement à son plus bas niveau depuis dix ans. La crainte du « no deal » est d'ailleurs l'une des raisons qui poussent, depuis quelques mois, les ménages à investir dans l'or pour sécuriser leur épargne.
Et si le Brexit n'avait pas lieu ?
Cela peut paraître improbable, pourtant, rien ne permet de dire aujourd'hui avec certitude que le Brexit aura bien lieu. Initialement prévue en mars 2019, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ne cesse d'être repoussée. En cause, l'impossibilité de dégager un consensus entre l'UE et le pays. Mais ce blocage ne serait-il pas dû à l'absurdité économique de ce processus ? Les dirigeants britanniques auraient-ils pris conscience, au fil des négociations, qu'ils n'avaient aucun intérêt à sortir du projet européen ?
Pour rappel, le Brexit a été voté en pleine crise migratoire en Europe. Le Royaume-Uni avait alors connu un solde migratoire record l'année précédente de 336.000 personnes, dont près de la moitié en provenance de l'Union européenne. Dès l'année suivante, ce solde avait baissé de 31,5 %, pour s'établir à 230.000 personnes, et ce, sans quitter l'UE. C'est l'un des arguments majeurs des pro-Brexit qui en prend un coup, sans parler de l'incapacité de ces mêmes pro-Brexit à concrétiser leur projet, même depuis le 10 Downing Street.