Consommation : et si la BCE vous distribuait de l'argent gratuitement ?
Alors que l'inflation ne grimpe toujours pas, certains économistes recommandent à la Banque centrale européenne de distribuer gratuitement de l'argent afin de re-booster l'économie. Ce qu'on appelle la « monnaie hélicoptère » est-elle une simple utopie ou une véritable alternative ? Explications.
L'idée pourrait être directement issue d'un film hollywoodien. Pour beaucoup, la probabilité de voir la Banque Centrale Européenne (BCE) distribuer gratuitement de l'argent aux ménages apparaît au mieux incertaine, au pire, totalement irrationnelle. Et pourtant.
Alors que l'inflation est toujours bien inférieure à l'objectif de 2% fixé par la BCE et que la politique de taux bas est favorable au crédit immobilier mais beaucoup moins à l'épargne, le recours à la « monnaie hélicoptère » pourrait être un levier pour relancer l'économie. À condition que les ménages jouent le jeu.
Une idée pas si nouvelle
En réalité, le concept n'est pas nouveau. Il fut même développé par l'un des plus célèbres économistes du XXe siècle, Milton Friedman. En 1969, l'Américain émet ainsi l'idée d'une création monétaire qui serait ensuite distribuée aux ménages sans aucune autre contrepartie.
Le but serait de relancer l'économie en confiant la monnaie nouvellement créee, non pas à un établissement bancaire, mais directement aux ménages. Ainsi, c'est dans un célèbre article nommé « La quantité optimale de la monnaie » (« The Optimum Quantity of Money » en anglais) que le terme d' « hélicoptère monétaire» apparaît pour la première fois.
À travers, une métaphore, il y défend l'idée d'une autorité monétaire qui larguerait par hélicoptère des billets fraîchement imprimés sur la foule. L'image est forte, et des décennies plus tard, l'idée, elle, reste dans les esprits. La preuve, elle vient de faire un retour fracassant dans les débats.
Proposition choc lors du dernier rassemblement des banquiers centraux
En effet, fin août, s'organisait le symposium annuel de banquiers centraux et d'économistes à Jackson Hole sur le thème des « défis de la politique monétaire ».
Comme le relate Les Échos, c'est dans ce contexte que le géant américain Black Rock, spécialisé dans la gestion d'actifs (6.800 milliards de dollars d'encours), a pu remettre le concept sur le devant de la scène, le tout en s'appuyant sur l'expertise de plusieurs banquiers centraux notamment Stanley Fischer, passé par la Fed, Philipp Hildebrand, qui a dirigé la Banque nationale suisse et Jean Boivin, autrefois sous-gouverneur de la Banque du Canada.
Face à la crainte d'une nouvelle crise économique et alors que la Banque Centrale applique déjà des taux d'intérêts extrêmement faible l'idée serait de créer de nouveaux leviers monétaires. Pour cela, les banquiers de Black Rock proposent ainsi de confier la gestion d'un compte spécial des dépenses à la BCE dans le but de « mettre de l'argent directement dans les mains des consommateurs des secteurs privés et publics ».
Une mise en application difficile
Même si, sur le papier, l'idée peut séduire, une mise en oeuvre concrète pourrait, elle, se montrer bien plus compliquée. En effet, certains obstacles légaux s'opposent à une telle politique.
Par exemple, une telle décision serait difficilement justifiable au vu de la législation en vigueur dans la zone euro. Les traités européens interdisent en effet à la BCE de prêter directement aux États. Cependant, elle peut prêter directement aux entreprises et aux particuliers. D'où l'idée de Black Rock qui consiste à proposer une variante de la « monnaie hélicoptère » à travers des prêts à taux zéro perpétuels à tous les adultes de la zone euro. Ce qui reviendrait à donner de l'argent gratuitement.
Ceci étant, l'opération peut se révéler risquée si les ménages ne jouent pas le jeu. En effet, le risque principal d'une telle pratique est la « thésaurisation ». Pour qu'une telle politique soit efficace, il faudrait que les ménages dépensent et n'épargnent pas les gains supplémentaires. Par ailleurs, le surplus de consommation pourrait également profiter, avant-tout, aux produits importés hors-UE. Ce qui rendrait, de fait, la mesure inefficace.
Alors que Mario Draghi, le président de la BCE, a reconnu en 2016 que la proposition est intéressante, rien n'indique pour le moment que l'institution européenne opte pour cette solution. Peut-être que l'arrivée prochaine de Christine Lagarde à la tête de la BCE changera la donne....