Cryptomonnaie : vers une monnaie digitale à destination du grand public ?
Alors que les projets de cryptomonnaie se multiplient, des députés français militent pour la création d'une monnaie virtuelle à destination du grand public.
L'idée fait son chemin. Dans la lignée du crypto-yuan chinois, certains députés français ont exprimé la volonté de créer un e-euro, une monnaie digitale à destination du grand public. Même si la Banque de France a d'autres priorités pour le moment, elle n'écarte pas totalement cette option. En l'état, une telle possibilité est-elle réellement envisageable ?
Face à l'insistance des « crypto-députés », les banques restent pour le moment impassibles
Jeudi dernier, une rencontre a eu lieu entre le ministre de l'Économie et deux « crypto-députés », Laure de la Rodière (Agir – Eure-et-Loire) et Pierre Person (député LREM de la 6e circonscription de Paris). Elle avait pour but d'inciter les banques à expérimenter une monnaie virtuelle à destination du grand public.
En effet, ces élus estiment que la création d'un e-euro à destination du grand public bénéficiera au développement de l'éco-système de la Blockchain. Surtout, l'émission d'un « stable-coin » permettra de se prémunir face à l'arrivée des acteurs étrangers sur le secteur.
Même si certaines des recommandations de Pierre Person et de Laure de la Rodière, ont été intégrées à la loi PACTE et ont permis de créer un environnement attractif pour les levées de fonds en crypto-actifs, des efforts restent encore à réaliser en la matière.
Dans les faits, les députés affirment qu'une simple réglementation ne serait pas suffisante pour prémunir l'éco-système français de l'irruption de la concurrence étrangère.
Comme l'a détaillé Laure de la Rodière, jeudi dernier, lors d'un point presse : « Les entrepreneurs français que nous rencontrons nous disent qu'ils veulent un stablecoin euro, que cela n'aurait pas de sens pour eux d'être installés en France si toutes leurs transactions s'effectuaient avec un stablecoin adossé au dollar".
Problème, pour l'instant, les banques semblent peu favorables à investir dans un tel projet. Même s'il ne nécessiterait pas forcément un investissement très important, il inciterait surtout à sortir d'un modèle qui a fait ses preuves.
En cela, les élus attendent donc une politique plus forte de la part du gouvernement. Ils demandent également la création d'un fonds de capital-risque dédié à la blockchain par BpiFrance.
Selon Pierre Person : « Il faudrait qu'il fasse au moins plusieurs dizaines de millions d'euros ». Ce que confirme Laure de La Raudière : « Aujourd'hui, il n'existe aucun grand fonds français spécialisé sur la blockchain. Aux États-Unis, ces fonds dédiés représentent 15 milliards de dollars. En Chine, une poche d'un milliard de dollars est disponible et cela ne va faire qu'augmenter".
La Banque de France favorable à la création d'un « euro-digital »
Pourtant réticente face au Bitcoin ou au Libra, la Banque de France ne s'oppose pas à une monnaie digitale, à partir du moment où elle est accompagnée d'une institution.
Dans ce sens, elle souhaiterait créer une monnaie digitale de Banque Centrale. Elle envisagerait ainsi de tester une monnaie numérique interbancaire qui puisse servir de laboratoire avant un hypothétique « euro digital ». Pour l'insitution, un tel projet revêt un enjeu de souveraineté pour l'Europe et pour la France.
« Je vois un intérêt certain à avancer rapidement sur l'émission d'au moins une monnaie digitale de banque centrale de gros afin d'être le premier émetteur au niveau international et tirer ainsi les bénéfices réservés à une monnaie digitale de banque centrale de référence » déclarait François Villeroy de Galhau, en décembre dernier.
La Banque de France est la première banque centrale à lancer une telle réflexion. Elle fut d'ailleurs l'une des premières à lancer sa propre Blockchain, à usage interbancaire, pour le traitement des identifiants des créanciers SEPA.
Ainsi, elle lancera, en mars, un appel à projet pour expérimenter une monnaie digitale de gros, c'est-à-dire réservées aux banques centrales et aux institutions financières.
Interrogé par la Tribune, François Villeroy de Galhau, a affirmé ne pas être totalement opposé au projet d'une monnaie digitale destinée au grand public. Selon lui, les discussions dans l'Eurosystème prendront beaucoup de temps. Il explique également que ce moyen de paiement ne devra pas se substituer à l'argent liquide. Alors que 60 % des transactions sont encore faites en liquide, il faudra avant tout assurer une liberté de choix.