Election présidentielle : le programme logement de Nathalie Arthaud
A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, BoursedesCrédits est allé à la rencontre des candidats. La question du logement n'a été que peu abordée dans la campagne. Focus sur le programme de la candidate de Lutte Ouvrière, Nathalie Arthaud.
"La politique de François Hollande concernant le logement a été catastrophique pour les classes populaires."
BoursedesCrédits : Quelle est votre vision de la politique du logement menée lors du quinquennat de François Hollande ?
Nathalie Arthaud : La politique de François Hollande concernant le logement a été catastrophique pour les classes populaires. Le logement est un besoin fondamental, aussi nécessaire que le fait de se nourrir ou de s'habiller. Et pourtant, combien de travailleurs précaires perdent leur logement, combien de familles, à la suite de la perte d'un emploi, se retrouvent à la rue, combien de travailleurs précaires vivent dans leur voiture ?
Selon l'Insee, 3,8 millions de personnes sont mal logées ou pas logées du tout et 12 millions "fragilisées" par rapport au logement (impayés, souffrant du froid...). C'est une véritable catastrophe sociale !
Pour les 10% des français les plus pauvres, les dépenses de logement représentent plus de 50% de leur revenu, une proportion qui ne cesse d'augmenter et qui les condamne au dénuement. Les mesures prises par le gouvernement Hollande, les dispositifs Duflot ou Pinel, n'ont pas répondu à l'immense besoin de logements de qualité et bon marché. Et dans le même temps, le gouvernement fait les poches des plus pauvres en diminuant les APL.
Comment décririez-vous votre politique/vision du logement ?
N.A. : Les promoteurs privés, les géants du bâtiment, sont incapables de répondre aux besoins en logement des classes populaires, tout simplement parce que ce n'est pas rentable pour elles.
Il faut que l'État assume directement la production des millions de logements de bonne qualité et accessibles aux classes populaires. Il doit créer directement les milliers d'emplois utiles pour fournir ces logements à prix coûtant.
Maintiendrez-vous la loi Alur et l'encadrement de loyers ? Pourquoi ?
N.A. : L'encadrement des loyers n'est que très peu appliqué, dans quelques grandes villes.
Nous pensons que c'est la population elle-même, par le biais de comités locaux, qui doit pouvoir contrôler les loyers, sans passer par des institutions incontrôlées. Il faut une transparence totale des résultats et la population elle-même doit pouvoir vérifier l'application concrète d'une telle mesure.
Allez-vous poursuivre la politique d'incitation à l'investissement locatif ? Maintiendrez-vous le dispositif Pinel ? Pourquoi ?
N.A. : Non ! Ce genre d'incitation fiscale change de nom à chaque nouveau ministre. Mais qu'il s'agisse d'un gouvernement de gauche ou de droite, le principe est le même : faire un cadeau fiscal aux investisseurs, sans que les logements neufs mis en location soient accessibles à ceux qui en ont le plus besoin ! En 2016, il a représenté 240 millions d'euros : cet argent aurait dû être utilisé par l'État pour construire directement des logements à prix coûtant, à destination des familles populaires.
Faut-il revoir les aides à la pierre ?
N.A. : Ces "aides à la pierre" sont en fait des aides aux investisseurs, grands et petits ! Il faut supprimer tous ces cadeaux fiscaux aux riches, qui permettent aussi des affaires juteuses aux promoteurs immobiliers. L'argent public doit servir à financer les logements sociaux.
Quels seront vos objectifs sur le logement social ?
N.A. : Le logement social doit être la priorité. Avoir un toit, c'est une exigence vitale. Or aujourd'hui, 1,4 million de ménages sont sur liste d'attente pour un logement social, soit une augmentation de 18% par rapport à 2006 !
La construction de logements sociaux est au plus bas (autour de 110.000 par an) et l'Etat ne cesse de s'en désengager. Il faut imposer une politique de grands travaux pour construire des logements corrects à la portée des classes populaires. Construire un million d'HLM par an permettrait de résorber en quelques années la crise actuelle.
Quelles évolutions accorderez-vous à la loi SRU ?
N.A. : Comme toute loi qui égratigne les intérêts des riches, elle n'est que très partiellement appliquée, voire pas du tout par les communes les plus aisées tant les pénalités sont insuffisantes.
Mais elle a comme inconvénient de reporter sur les communes les efforts nécessaires de construction de logements sociaux supplémentaires : selon moi, cet effort devrait être entièrement pris en charge par la collectivité, c'est-à-dire par l'Etat.
Estimez-vous suffisantes les mesures actuelles sur la rénovation énergétique ?
N.A. : Nous y sommes favorables à condition que cela ne soit pas une fois de plus une subvention aux seuls ménages les plus aisés qui peuvent financer les travaux de rénovation. Les aides doivent être tournées en priorité vers les plus démunis qui concentrent les difficultés : un logement mal isolé et un revenu trop faible pour envisager une rénovation.
Quelle est votre position sur la réglementation des plateformes de locations saisonnières ?
N.A. : Cela permet à certains particuliers d'arrondir un peu leurs revenus, mais comme les autres secteurs de "l'économie participative", c'est surtout devenu un nouveau marché lucratif pour ceux qui ont les moyens d'y mettre des logements entiers en location saisonnière et surtout pour les plateformes internet qui gèrent les réservations.
Il est choquant de voir que des appartements entiers finissent sur ce marché de la location touristique parce qu'il est plus rentable, tandis que des millions de personnes sont mal logées. C'est pourquoi la priorité devrait être de réquisitionner les logements non utilisés pour la location à des prix accessibles.
Si vous êtes élue, quelles seront vos premières mesures sur le logement ?
- Réquisition des logements et des bureaux vacants car sur les deux millions recensés, un certain nombre doivent être habitables. Cela permettrait de répondre à l'urgence pour les sans-abris et les mal-logés.
- Création d'un service du logement où l'État prendra directement en main la construction des logements sociaux, en embauchant directement les travailleurs. Location de ces logements à prix coûtant. Réquisition des terrains nécessaires.
Ce sont des mesures immédiates, qui répondent à des exigences vitales. Mais j'ajoute que la question du logement est pour nous inséparable de l'ensemble d'un programme pour les travailleurs. Il faut une augmentation massive des salaires et des pensions, il faut fixer le minimum des revenus à 1.800 euros net, pour que chaque famille puisse financer un logement décent.