Election présidentielle : le programme logement de Philippe Poutou
A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, BoursedesCrédits est allé à la rencontre des candidats. La question du logement n'a été que peu abordée dans la campagne. Focus sur le programme du candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste, Philippe Poutou.
"Réquisition des logements et immeubles vacants, la loi existe, il suffit de l'appliquer".
BoursedesCrédits : Quelle est votre vision de la politique du logement menée lors du quinquennat de François Hollande ?
Philippe Poutou : En cinq ans le gouvernement n'a pas répondu à la pénurie du logement. Au contraire. Dans le cadre de l'augmentation de la pauvreté, il aurait fallu un plan d'urgence pour le logement social, pourtant la priorité a continué à être pour les ménages plus aisés.
Côté constructions, on est loin des besoins. Après une longue baisse des chantiers, engagement en 2013 de 500 000 logements par an dont 150 00 sociaux : la ministre verte avoue (en s'en félicitant !) la livraison en 2016 de seulement 440 00 dont 130 000 sociaux (incluent les "PLS" trop chers et inaccessibles à la majorité des demandeurs). Alors que les demandeurs sont au moins 1,5 million (en 2013, + 12 % depuis 2006).
Rien sur les réquisitions de logements vides (2,9 millions, + 3,5 % en cinq ans). La ministre verte vient de proposer une taxe, un énième dispositif fiscal pour inciter les propriétaires spéculateurs à louer... À Paris, 100 000 logements vacants (40 000 ne sont même pas raccordés au réseau d'électricité).
Le DALO a eu quelques résultats, mais le taux national de décisions favorables, qui était de 44,9 % en 2008, a chuté à 28,63 % en 2015, parce qu'en fait le droit est reconnu seulement s'il y a une offre de logement possible...
Des dizaines de personnes reconnues prioritaires Dalo sont expulsées. Expulsions qui sont en hausse : 14 363 en 2015 (+ 24 %) et toujours faites avec "le recours à la force publique" et sans relogement.
Nous interdirons les expulsions sans relogement (à l'instar de plusieurs villes qui chaque année prennent des arrêtés en ce sens).
Les gouvernements Hollande se sont moulés dans la politique engagée par leurs prédécesseurs, celle de la rénovation urbaine (ANRU). Leur objectif n'a pas été de répondre au manque de logements mais de casser les concentrations populaires, de répartir les populations pauvres pour faire disparaitre leurs revendications. C'est ce qu'a dit Manuel Valls quand il a annoncé en janvier 2015 sa "politique de peuplement".
Chaque opération de rénovation s'accompagne de destruction de logements qui souvent auraient pu être rénovés. Et les nouveaux logements ne s'adressent pas aux habitants des anciens immeubles qui sont obligés d'aller voir plus loin, ailleurs, pour se loger.
Comment décririez-vous votre politique/vision du logement ?
P.P.: Chaque être humain a le droit de vivre dans de bonnes conditions, et donc d'abord sous un toit agréable et confortable.
La création d'un véritable service public de l'urbanisme et du logement, qui dispose de la maîtrise du foncier, avec la municipalisation de la propriété des sols, qui indexe les loyers sur le revenu et met en place des conseils de locataires avec force de décisions et de contrôle chez chaque bailleur et dans chaque cité.
L'augmentation du budget public consacré au logement, le renforcement du rôle de l'État et la remise en cause des décentralisations passées et à venir.
Maintiendrez-vous la loi Alur et l'encadrement de loyers ? Pourquoi ?
P.P.: L'encadrement des loyers est une bonne mesure, mais bien trop mesurée... pour faire face à l'augmentation continue et démentielle des loyers depuis plusieurs années !
Le "marché" ne doit pas décider du prix d'un droit élémentaire ; il faut renverser la logique marchande et aller vers des loyers selon les revenus et ne dépassant pas 20 % de ceux-ci.
Allez-vous poursuivre la politique d'incitation à l'investissement locatif ? Maintiendrez-vous le dispositif Pinel ? Pourquoi ?
P.P.: Non. Depuis qu'ils existent, ces divers dispositifs de défiscalisation ont surtout amené à construire là où un promoteur le jugeait rentable, pas là où il y a des besoins urgents. Le premier gouvernement Hollande qui devait les supprimer a persisté (en prétendant les améliorer, ce qui est faux). Par ailleurs, présentés comme "une bonne affaire" pour les "petits épargnants", ils en ont dépouillés plus d'un.
Faut-il revoir les aides à la pierre ?
P.P.: Oui...
Quels seront vos objectifs sur le logement social ?
P.P.: Le logement social - le logement public - est donc au coeur de notre politique, comme indiqué en début. Sa conception doit être redéfinie : ce n'est pas un logement "pour les pauvres" – la France patauge depuis trop longtemps dans cette conception qui montre clairement aujourd'hui ses limites et son inefficacité : tout le monde sait par exemple qu'il ne faudrait pas inclure les PLS dans le logement social et pourtant on continue à en construire (entre autres à cause des 25 % de la loi SRU) au nom de l'inepte "mixité sociale", et parce que la folle ascension des prix du logement empêche les classes moyennes de se loger (entre autres en région parisienne).
La priorité doit aller d'abord aux dizaines de milliers de mal-logés, mais il faut envisager l'ensemble du problème, sans oublier de rompre avec la concentration des emplois en Ile-de-France...
Quelles évolutions accorderez-vous à la loi SRU ?
P.P.: Voir question précédente, et suppression dans le cadre d'un service public du logement
Estimez-vous suffisantes les mesures actuelles sur la rénovation énergétique ?
P.P.: NON, il faut aller beaucoup plus vite dans l'isolation des bâtiments anciens, à commencer par le logement social car c'est là où - en plus du coût pour l'environnement - la dépense énergétique pèse le plus lourd dans le budget des ménages. Et il faut vraiment rénover, plutôt que démolir dans le cadre de l'ANRU (que nous supprimons): rénover coûte moins, mais il y a moins de financements possibles - une fois de plus, la démonstration que la marchandisation d'un droit élémentaire amène des aberrations.
Quelle est votre position sur la réglementation des plateformes de locations saisonnières ?
P.P.: Il faut aller vers une réglementation drastique comme à Berlin, car cela participe de la spéculation sur les centres-villes, ou les zones touristiques, qui font augmenter le prix des loyers et du m2, les vident donc de leurs habitants - accroissant la crise du logement, la pollution par les transports, ... et en font d'ailleurs au final des zones de moins en moins attrayantes pour le tourisme...
Si vous êtes élu, quelles seront vos premières mesures sur le logement ?
- Réquisition des logements et immeubles vacants, la loi existe, il suffit de l'appliquer.
- Construction de logements sociaux, vraiment sociaux, de bonne qualité (y compris environnementale).