Révision des valeurs locatives : un enjeu de taille pour le nouveau gouvernement
Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé qu'en parallèle de la réforme de la taxe d'habitation, serait menée la réforme des valeurs locatives. Une décision qui prend d'ores et déjà l'apparence d'un challenge pour le quinquennat Macron, puisqu'aucun gouvernement n'a jusqu'à présent réussi à faire voter une telle mesure.
Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. Crédit : Frédéric Dugit
Ils s'y sont tous heurtés, sans réel succès. Le gouvernement a annoncé par la voie de son ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, vouloir remettre à plat les valeurs locatives en France.
Les valeurs locatives correspondent au niveau de loyer annuel potentiel qu'un logement produit lorsqu'il est loué. Mais c'est aussi une des bases qui sert à établir le montant des impôts locaux, c'est-à-dire de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière par exemple.
Quels sont les objectifs de la réforme des valeurs locatives ?
Les fameuses valeurs ont été établies dans les année 1970 sur des critères immobiliers devenus aujourd'hui obsolètes. Leur remise à plat est donc en réalité mise en place dans le but d'établir davantage d'égalité.
De nos jours, des locataires de logements HLM sont davantage taxés que ceux qui vivent dans des appartements haussmanniens. Bercy a effectué une simulation et a montré qu'après la nouvelle réforme, plus de la moitié des habitations seront davantage taxées, avec une hausse pouvant dépasser les 40 %. D'autres personnes, à l'inverse, pourront gagner jusqu'à 50 % sur la somme qu'ils versent actuellement pour leurs logements.
Cette réforme a toujours été mal accueillie dans notre pays. Dans les années 1990, Michel Rocard, après avoir fait écrire une loi entière dans ce domaine, retira son projet par peur des réactions des agents du marché. En 2010, Nicolas Sarkozy avait lui aussi souhaité réformer les valeurs locatives, notamment à destination des locaux professionnels, une mesure qui vient tout juste d'être appliquée.
Cette proposition fait polémique car elle rabat toutes les cartes de la fiscalité locale (dont la taxe d'habitation) et alors que cela représentera un avantage pour beaucoup d'habitants, certains groupes socio-professionnels risquent tout de même d'être affectés.
Les gagnants et les perdants de la réforme
Dans un de ses travaux, Valérie Rabault, ancien rapporteur du budget à l'Assemblée Nationale dans le cadre du projet de loi de finance pour 2017, détaille les résultats de simulations de révisions des valeurs locatives dans cinq départements de notre territoire.
La modification des valeurs locatives demande de prendre en compte l'augmentation considérable des prix immobiliers en France depuis une quarantaine d'années. Une fois cet ajustement effectué, les valeurs locatives seront bouleversées. Les locaux en centre-ville connaitront une forte augmentation de loyer tandis que ceux situés en périphérie baisseront énormément.
Les grands gagnants seraient donc les hypermarchés, dont la taxe foncière baisserait de 30 %, ainsi que les supermarchés avec une baisse de 22 %. Les entrepôts quant à eux auraient un quart de taxe d'habitation en moins à payer.
En revanche, les services présents en nombre en agglomération seraient les perdants. Les cliniques et entreprises du secteur sanitaire et social verront leurs valeurs locatives augmenter de 44 %, les écoles et lieux d'enseignement de 28 % et les centres de sports et de loisirs connaitront une augmentation de l'ordre de 15 %.
Il est important de préciser que la réforme ne sera pas effective dans l'immédiat, le but pour le gouvernement étant de lisser une progression sur une dizaine d'années.
Réforme sociale ou décision fiscale douloureuse pour les français ?
La mesure peut être à double tranchant. Cela peut constituer une mesure sociale par laquelle l'Etat met de l'argent sur la table pour rééquilibrer les valeurs locatives sans pour autant que la note explose pour le contribuable. Mais cela peut aussi s'avérer être extrêmement bénéfique pour l'Etat alors que les professionnels et particuliers trinqueront en contrepartie. La mesure annoncée par Bercy devrait rapporter 70 milliards d'euros de recettes fiscales.
Pour le ministre en charge du dossier, cette mesure a clairement un objectif de justice et d'équité : "L'exonération de la taxe d'habitation ne peut se faire sans parler de la revalorisation des valeurs locatives ni de la façon dont les communes rurales ou les communes pauvres n'ont pas la même recette fiscale que d'autres communes avec des ménages plus aisés, qui peuvent offrir un meilleur service à des populations qui, peut-être, ont un peu moins besoin de service public", affirme Gérald Darmanin.