Banques et FinTech : entre alliance et rivalité
Depuis plusieurs années, les banques peinent à se renouveler pendant que les Fintech prennent de plus en plus d'importance. Bien conscientes des évolutions du marché financier, les banques tentent néanmoins de s'adapter avec plus ou moins de réussite.
L'histoire commence en 2008, la crise financière frappe alors de plein fouet l'économie mondiale. En conséquence, les États comme le grand public perdent la confiance accordée aux banques et un nouveau marché se crée peu à peu. L'heure des Fintech est arrivée.
Depuis lors, l'investissement dans les FinTech ne cesse d'augmenter. En 2012, il s'élevait à 3 milliards, trois ans plus tard à 20 milliards. L'année dernière, sur le seul trimestre 2018, il dépassait les 27.5 milliards. Un investissement exponentiel qui n'est pas près de s'arrêter et face auquel, les banques ont du mal à faire face.
Un retard accumulé, difficile à rattraper
Voilà donc la révolution en marche. Cette dernière se propage vite à tous les secteurs bancaires : le prêt, l'assurance, le paiement entre particuliers... Face à de tels bouleversements, les banques traditionnelles peinent à se renouveler, la faute à plusieurs manquements. Si certaines de ces failles sont liées à la nature même de l'institution bancaire, d'autres sont plus regrettables car directement imputables aux banques elles-mêmes.
Tout d'abord, il est important de noter que les bouleversements de 2008 ont eu des effets dévastateurs sur les acteurs bancaires.
Les règles se sont durcies et de nouvelles contraintes sont apparues. Depuis 2009, le Boston Consulting Group estime que près de 350 milliards de dollars de sanctions ont été prononcées contre les établissements bancaires.
De nouvelles directives sont également apparues avec pour objectif de rendre le marché plus concurrentiel (DSP1, DSP2). Moins de monopoles donc et moins de rentes également. Dans ce contexte de crise généralisée, les banques traditionnelles se sont donc vite heurtées à leurs propres limites.
D'autant que sûres de leurs forces, elles n'ont pas forcément pensé à investir dans l'innovation. Les Échos écrivaient à ce propos : « même les banques américaines, réputées pour être parmi les plus innovantes, dépensaient en 2018 en moyenne 5 % de leur produit net bancaire dans des initiatives liées à leur renouvellement ».
De part sa nature, le monde de la banque a préféré opter pour la stabilité plutôt que d'envisager une transformation digitale pourtant indispensable. Dans le même temps, des FinTech faisaient une entrée fracassante dans le secteur, n'hésitant pas à proposer des services innovants et parfaitement dans l'ère du temps.
Rien qu'en France, les investissements dans la Fintech se sont multipliés. Selon le rapport du cabinet de conseil Accenture datant de 2016, ils ont augmenté de 750% entre 2014 et 2015, passant de 19 à 167 millions d'euros.
Même si les levées de fonds -principale source de financement des Fintech- ont tendance à ralentir quelques peu, elles restent en croissance constante. Selon le cabinet KPMG, elles ont atteint 365 millions d'euros en 2018 en France, soit une hausse de 15 % par rapport aux 318 millions de 2017.
Face à cela, les banques traditionnelles tentent donc de trouver la parade et de s'adapter tant bien que mal.
Banques et FinTech, entre rivalité et interdépendance
Il serait en effet erroné d'affirmer que les acteurs traditionnels ne sont pas engagés dans la révolution numérique. Toujours selon les Échos, depuis 2018, en France, 64 % d'entre eux proposent l'ouverture d'un compte à distance ; la moitié propose la souscription d'un crédit en ligne, contre 16 % en 2017.
Pour rattraper leur retard, les banques classiques se lancent donc dans des stratégies de transformations digitales d'envergure.
Elles tentent de lancer en interne plusieurs structures d'accueil de l'innovation (incubateur ou accélérateurs de projet). L'investissement massif en R&D et en incubateur est un levier qui leur permet de rattraper peu à peu leur retard.
Nombreuses sont celles qui s'inspirent directement de « l'Esprit FinTech » pour repenser leurs interactions avec les clients. Néanmoins, c'est loin d'être suffisant.
La montée en puissance des FinTech s'explique d'abord par un schéma simplifié : des services simples, intuitifs et à forte valeur ajoutée. Un modèle qui vient torpiller le modèle des banques classiques, matérialisé dans l'esprit du client comme étant laborieux et soumis à un nombre important de contraintes (horaire de l'agence, lourdeur administrative...)
L'inspiration n'étant pas suffisante, les organismes bancaires ont donc décidé d'investir directement dans des FinTech. Une solution qui pourrait bien faire les affaires de tout le monde. Plutôt que de subir de plein fouet une concurrence féroce, les banques ont vite compris l'intérêt que peut représenter une collaboration avec les FinTech.
Compte-tenu de leurs atouts et faiblesses respectives, elles s'avèrent bien plus complémentaires que concurrentielles.
D'un côté, les Fintech ont pour elles une expertise digitale et une parfaite compréhension quant à l'utilisation des informations améliorant l'expérience du client. De l'autre, les banques possèdent à la fois un ancrage territorial, un réseau conséquent et des infrastructures solides.
C'est ainsi que les banques mettent de l'argent dans les Fintech, mais en adoptant un modèle qui sera plus celui de la participation majoritaire. En clair, elles laissent les start-ups fonctionner en autonomie, notamment pour qu'elles gardent leur savoir-faire et leur potentiel d'innovation.
Ce phénomène est de plus en plus répandu. Déjà en 2015, au niveau mondial, les investissements dans les FinTech atteignaient 22 milliards de dollars dont 5 milliards ont été investis par les banques.
Ce modèle est d'ailleurs revendiqué par les banques elles-mêmes. Sur son site, la Société Générale affirme par exemple qu'elle est « la première banque française à acquérir une Fintech dès 2015 avec Fiducéo et à tisser des liens étroits avec l'écosystème mondial sous la forme de partenariats ou d'investissements. » En 2018, le Groupe a investi de nouveau dans le capital de TAGPAY, pris une participation dans REEZOCAR et annoncé l'acquisition de la Fintech LUMO.
Rachat de la #fintech @fiduceo_contact partenariat avec la startup @hellojam_ collaboration avec @JVFagency #big4start @CBrognaux #openinno pic.twitter.com/7SQRrQyWfM
- Société Générale Entrepreneurs (@SGEntrepreneurs) 18 mai 2017
Cela étant, ces partenariats se heurtent néanmoins à des obstacles. Les start-ups et les banques fonctionnent différemment. Elles n'ont pas le même rythme de développement. Une FinTech sera en effet boostée par sa créativité et sa prise de risque, un modèle à l'opposé de celui prôné par les banques, toujours frileuses face à une perte de contrôle.
Lutter contre les GAFAM
Pourtant, elles devront bien s'adapter. Car la collaboration semble être le seul moyen de subsister à terme pour les banques comme pour les FinTech.
Le vrai « ennemi » pourrait bien être ailleurs. La banque semble aujourd'hui davantage menacée par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) que par les FinTech.
Ces géants de l'innovation sont dotés de ressources colossales et développent leurs propres moyens de paiement et des services qui viennent concurrencer la banque. Qui plus est, ils sont parfaitement adaptés à la révolution digitale. Ils représenteraient d'ores et déjà une menace pour l'industrie financière.
Toujours frileux vis-à-vis de l'innovation, les banques peinent encore à investir. À contrario, les Gafam, leaders mondiaux de l'innovation dépensaient, quant à eux, au minimum 9 % de leur chiffre d'affaires en recherche et développement.
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