Au coeur de la plateforme Crésus de lutte contre le surendettement
L'association Crésus a lancé depuis 2005 une plateforme où elle accompagne les familles proches du surendettement. C'est aussi un moyen pour l'association de sensibiliser les établissements bancaires partenaires.
L'association Crésus a lancé depuis 2005 une plateforme téléphonique d'accompagnement et de prévention du surendettement, à Strasbourg
« Suicide ». Le mot est dit. Il est dur. La réalité du surendettement encore plus. C'est pourtant une des conséquences que peuvent rencontrer ces familles, souvent fragilisées et brisées à la suite de créances qui s'accumulent. C'est pour éviter des situations telles que celle-là que l'association Crésus a lancé depuis 2005 une plateforme téléphonique d'accompagnement et de prévention, à Strasbourg (Bas-Rhin), au siège historique de la fédération d'associations, engagée depuis 1991 contre le surendettement.
Les téléconseillers font face à la détresse des familles
Le surendettement c'est aussi une détresse psychologique. Détresse à laquelle font face les 7 de téléconseillers de l'association, parmi lesquels d'anciens cadres de banques ou d'organismes financiers. Dimitri Lauf est l'un d'eux.
Depuis maintenant 5 mois cet ancien conseiller en gestion de patrimoine accompagne des dizaines de ménages : « Je suis arrivé ici par moralité. Je ne pouvais plus vendre quelque chose en quoi je ne croyais pas ».
« On leur donne de l'espoir. Ces clients se livrent à nous. Il y a un vrai travail psychologique. Des personnes s'ouvrent peu à peu, pleurent au téléphone. On a aussi dû faire face à des suicides malheureusement », regrette M. Lauf. « Il faut avoir une carapace pour encaisser tout ça ». Pour évacuer, Dimitri a ainsi préféré le sport. « J'ai besoin de m'aérer l'esprit, de penser à autre chose le soir ».
La plateforme de lutte contre le surendettement de Crésus (Johan Garcia / BoursedesCrédits).
« On les booste »
Dimitri et ses collègues prennent en charge par téléphone plusieurs dizaines de dossiers chaque jour, au moyen d'un plan d'action, défini avec les bénéficiaires. « J'identifie les problématiques du ménage et les solutions. Je négocie auprès des créanciers, chaque dette une à une, et transforme par exemple des crédits renouvelables en amortissables », retrace Dimitri. « En moyenne, ces familles n'ont plus que 47 euros par mois pour vivre », ajoute-t-il.
Les dettes, renégociées, sont étalées sur une durée plus longue, permettant d'alléger les mensualités et de redéfinir le budget. « On a un röle de médiateur. On doit à tout prix éviter que ces familles, dont l'état est précaire, tombent dans le surendettement », explique le téléconseiller.
Dimitri Lauf communique des informations juridiques et financières aux personnes suivies afin qu'elles entament des démarches. « Ces éléments leur permettent de travailler leur dossier et d'engager des actions, comme un changement de banque ou une demande de dossier de surendettement », précise-t-il. Le röle des conseillers est aussi 'd'éduquer' ces ménages endettés en les formants dans la gestion de leur budget, afin qu'ils ne retombent pas dans les travers des crédits.
Au final, c'est près de 80% des dossiers traités au téléphone qui ne nécessitent pas un accompagnement plus poussé. Les ménages restant sont orientés vers l'antenne locale de Crésus la plus proche de leur domicile pour un rendez-vous physique.
« Chaque établissement doit reprendre la responsabilité des crédits qu'il a accordés »
Pour prévenir et résoudre le surendettement, tout en évitant l'exclusion financière et sociale qui peut en découler, Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération d'associations Crésus, noue depuis plusieurs années des partenariats avec des établissements bancaires et financiers, près de 36 à ce jour, qui prennent la forme d'une coopération avec sa plateforme.
Le partenariat s'établit par un financement de l'association, par les établissements, qui leur propose en retour un service d'accompagnement mutualisé des dossiers de leurs clients malendettés et surendettés. Ces derniers sont directement transmis et orientés vers la plateforme Crésus par les partenaires.
Le but est aussi de sensibiliser ces organismes financiers à la détection des clients à risques, qui sont mis en relation avec un conseiller de la plateforme. « Chaque établissement doit reprendre la responsabilité des crédits qu'il a accordés » estime Jean-Louis Kiehl. « Lorsque les dirigeants de ces banques nous rendent visite dans nos locaux, on essaie de leur ouvrir les yeux sur les produits qu'ils proposent, sur leur politique de crédit », dévoile Dimitri Lauf.
En 2013, plus de 4000 dossiers ont ainsi été traités par la plateforme. D'ici deux ans, l'objectif est de traiter 32.000 dossiers chaque année. Depuis la création de l'association en 1991, ce sont plus de 55.000 personnes qui ont été suivies et près de 7500 ménages qui ont évité une situation de surendettement.