« Les courtiers indépendants n'y arrivent plus économiquement », pour l'Orias
La campagne d'immatriculation 2014 auprès de l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en Assurance, Banque et Finance (Orias), des intermédiaires en opération de banque, a débuté le 1er décembre 2013, pour s'achever le 31 janvier dernier. Grégoire Dupont, Secrétaire Général de l'Orias revient pour BoursedesCrédits sur l'évolution du nombre d'immatriculations et son impact sur le secteur du crédit.
Grégoire Dupont, Secrétaire Général de l'Orias
Peut-on dire qu'il y a un durcissement de l'immatriculation touchant les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) ?
Grégoire Dupont : « Il y a en fait un décalage dans le temps, entre l'application de la loi de 2010 et des décrets de 2012. La première phase de mise en application de la réglementation et de l'immatriculation, a eu lieu du 15 janvier 2013 jusqu'au 15 avril 2013.
Le texte original, mettant en place l'immatriculation avait prévu deux familles et deux temps d'inscription. Tout d'abord, les intermédiaires en assurance, déjà inscrits dans un ancien registre, qui devaient uniquement choisir leur nouvelle catégorie d'inscription, avec un rendez-vous fixé un an plus tard pour justifier des conditions obligatoires, et requises, pour demeurer immatriculé à l'Orias. Les deux tiers des professionnels sont dans ce cas-là. Ils doivent aujourd'hui justifier de l'existence des contraintes obligatoires pour être immatriculés (Diplömes, formations ou expérience, assurance de responsabilité civile professionnelle, honorabilité).
La deuxième famille correspond à ces intermédiaires qui n'avaient pas, avant 2013, d'activité d'assurance. Ils ont dû remplir les conditions d'immatriculation dès le début 2013. Ils correspondent au tiers d'intermédiaires restant.
Les conditions ne sont donc pas plus strictes, mais c'est maintenant qu'on les applique pour tous. L'objectif était simplement de répartir la charge de travail pour l'Orias et de donner plus de temps aux professionnels, s'ils n'avaient pas les formations requises ou les diplömes par exemple, pour se former durant l'année 2013 ».
On assiste aujourd'hui à un regroupement des courtiers. Y a-t-il selon vous une exclusion des courtiers indépendants du nouveau système d'immatriculation ?
G-D : « Au point de vue juridique non. L'environnement y joue cependant. Il y a une professionnalisation du secteur avec la mise en place de systèmes informatiques, de procédures ou d'envoi de documents. Ce sont des charges supplémentaires qui demandent des efforts supplémentaires aux intermédiaires.
La clé est essentiellement économique quand même ».
Beaucoup de courtiers indépendants sont d'ailleurs aujourd'hui obligés de rejoindre de grands réseaux et de grandes sociétés de courtage, faute de mandats des banques ou d'immatriculation. Va-t-on vers une disparition du courtier indépendant ?
G-D : « Le phénomène de franchise se développe énormément, c'est vrai. Toutes ces franchises annoncent d'ailleurs des doublements de leurs réseaux et de leurs projets. C'est un mode d'organisation du marché en pleine évolution. Un mode d'organisation plus facile vis-à-vis des contraintes juridiques.
Je ne peux toutefois pas encore mesurer, ni estimer, la baisse du nombre de courtiers indépendants, même si je le pressens avec l'attitude des banques et le poids de la règlementation ».
Les banques ont drastiquement diminué le nombre de courtiers avec qui elles travaillaient. BNP Paribas ne donne plus de mandats qu'à 28 d'entre eux, contre 500 auparavant.
G-D : « Oui. Les banques n'accordent plus aussi facilement les mandats que dans le passé. Des professionnels n'arrivent ainsi pas à justifier leur immatriculation à cause de cela.
Les courtiers indépendants, même s'ils sont immatriculés, n'y arrivent plus économiquement. Les banques limitent leurs risques et font des économies dans leur organisation commerciale en limitant le nombre de mandats accordés.
A cause de ces stratégies, qui mêlent objectif commerciaux et contrainte juridique, il y un changement dans les relations économiques. Les banques avaient auparavant des milliers d'apporteurs potentiels. Elles se limitent à quelques dizaines désormais.
Le métier se structure dans un contexte économique compliqué et tendu, principalement dans l'immobilier par exemple. Les banques n'accordent ainsi plus de mandats en crédit immo ».
Pour les particuliers, est-ce que cela ne signifie pas également que l'offre de courtage, bien que consolidée, sera aussi moins variée avec moins d'indépendance ?
G-D : « Si un courtier a une part de son capital détenu à plus de 10% par un groupe financier, il y a une obligation de transparence. C'est au consommateur de faire la démarche de vérification. La profession doit donner ces infos. Il doit y avoir une certaine forme de transparence ».
En novembre 2013, 48.656 intermédiaires en banque, assurance ou finance étaient inscrits (dont 17.000 IOBSP). Combien le sont désormais avec la fin du renouvellement des inscriptions ?
G-D : « L'on reçoit encore des dossiers. Beaucoup sont toujours en cours de traitement. On ne pourra tirer les conclusions du renouvellement que début mars. Mais on a déjà des craintes importantes sur le taux de non renouvellement des IOB.
Aujourd'hui, l'Orias compte seulement 60% d'inscriptions renouvelées pour les courtiers en opération de banque, et donc 40% qui ne le sont pas. D'où une certaine anxiété, même si des dossiers sont encore en cours d'instructions.
Du cöté des mandataires en opération de banque 'non exclusif', on a 70% d'inscriptions renouvelées, et près de 95% pour les mandataires en opération de banque 'exclusif'. 91% des courtiers en assurances ont leur inscription renouvelée à ce jour, et 76% des mandataires d'IOBSP ».
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La réglementation touchant les IOB et donc les courtiers en crédit découle de la loi de régulation bancaire 2010, qui a permis la création d'un registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, depuis le 15 janvier 2013 et dont la gestion a été confiée à l'Orias, organisme parapublic dont les statuts sont homologués par arrêté ministériel.