Crédit immobilier : 100 000 ménages privés d'accès à la propriété en 2020 ?
100 000 ménages pourraient être exclus du crédit immobilier en 2020. La faute aux dernières recommandations de la Banque de France. Explications.
Une étude de la Fédération Bancaire Française laisse craindre une année 2020 plus délicate pour les emprunteurs.
En matière de crédit immobilier, 2019 restera une année exceptionnelle. Boostée par des taux immobiliers historiquement bas, les ménages se sont rués sur l'opportunité pour obtenir un crédit au meilleur taux.
Alors que 2020 a débuté sur la même dynamique de taux, il semblerait néanmoins que l'entrée dans la nouvelle décennie soit moins fructueuse. La faute à des recommandations de la Banque de France, qui selon certains experts pourraient bien priver 100 000 ménages de l'accession à la priorité.
Des recommandations qui font polémique
Car cela n'est un secret pour personne, la Banque de France, tente avant tout de prévenir une surchauffe du crédit immobilier. À de nombreuses reprises, le régulateur français a sommé les banques de réduire la voilure afin d'éviter la catastrophe.
Face à ce risque potentiel, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), institution émanant de la Banque de France et présidée par Bruno Le Maire, proposait fin décembre une série de recommandations.
Elle incitait notamment les banques à réduire drastiquement la voilure en ce qui concerne l'octroi des crédits immobiliers. En tête de celles-ci, des crédits qui ne pourraient plus excéder 25 ans et un taux d'effort strictement limité à 33 %. Les ménages les plus modestes seront donc amenés à augmenter drastiquement leur apport, si cela est possible.
Or, c'est là que le bât blesse. En effet, une étude révélée lundi dernier par la Fédération Bancaire Française (FBF), à savoir la 32e édition de l'Observatoire des Crédits aux ménages, révèle que l'application de telles consignent pourraient empêcher plus de 100 000 ménages d'accéder à un crédit immobilier en 2020.
Interrogé par le Parisien, le professeur d'économie Michel Mouillard a compilé les données pour l'Observatoire des crédits aux ménages.
Selon lui, « À coup sûr, au moins 100 000 et jusqu'à 130 000 ménages seront mécaniquement exclus par ces mesures de l'accès à la propriété cette année, soit près de 10 % des transactions réalisées en 2019 ». De plus, il estime que si les banques choisissent de suivre les consignes, cela représenterait un manque à gagner de 10 à 15 milliards d'euros. Soit « 8% de la production ».
La Banque de France réfute fermement ces conclusions
Face aux conclusions de l'Observatoire, la Banque de France a tenu à réagir fermement. Elle dénonce notamment des chiffres « sans fondement ». Selon l'institution, « ils ne tiennent pas compte de l'épargne que les ménages peuvent mobiliser facilement - dont leur assurance-vie -, ni des flexibilités prévues ».
Également sollicité par le Parisien, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau rappelle que de telles mesures sont, selon lui, indispensables pour éviter une situation qui pourrait vite s'avérer catastrophique : « Si nous ne rappelions pas aux banques des règles de bon sens, nous aurions demain un vrai risque de surendettement des ménages concernés. N'attendons pas de voir surgir le problème ou la crise financière : il serait trop tard pour agir ».
Ne s'agissant que de simples recommandations, les banques seront en mesure de ne pas les appliquer. En aucun cas, elles ne seront tenues de mettre à exécution les directives du HCSF. Par ailleurs, même si elles décident de suivre ces indications, 15 % de leurs crédits pourraient aller au-delà de ces recommandations.
De son côté, le ministre de l'Économie et des Finances précisait que « l'objectif est de protéger les Français, en aucun cas de restreindre l'accès au crédit ». Une façon de désamorcer un dossier qui pourrait s'avérer beaucoup plus compliqué que prévu...