Le dispositif Pinel est utile et rassurant pour les investisseurs
Moins de 300.000 logements construits en 2014. Quelles sont les solutions pour inverser la tendance ? Nordine Hachemi, PDG de Kaufman & Broad, analyse cette situation.
Nordine Hachemi, PDG de Kaufman & Broad
2014 aura été une année noire pour le secteur du bâtiment. Pour la première fois depuis 1997, le nombre de logements construits est passé sous le seuil symbolique des 300.000 unités. Nordine Hachemi, Président-directeur général du groupe immobilier Kaufman & Broad, donne son point de vue sur cette situation indédites et sur les réformes mises en place par le gouvernement pour inverser cette tendance.
Pourquoi les chiffres des mises en chantier sont-ils si mauvais en 2014 ?
Nordine Hachemi : « Pour bien comprendre cette situation, il faut revenir plus en amont, sur la somme d'évènements précédents une mise en chantier. Pour mettre en chantier un projet immobilier, il faut avoir passé trois étapes : trouver le bon terrain, obtenir un permis de construire et réussir la phase de pré-commercialisation du projet. Les banques et les promoteurs exigent, en général, que 40 à 50% des logements mis en vente soit effectivement vendus pour remplir cette dernière étape.
Plusieurs raisons peuvent donc expliquer ces mauvais chiffres. La chute en 2014 des mises en chantier, c'est avant tout une chute constatée des délivrances des permis de construire fin 2013. Conséquence directe, il y a eu beaucoup moins de mises en chantier sur l'année suivante. Nous avons rencontré la même problématique en fin d'année dernière, avec une chute de 12% des permis de construire. Ils marqueront forcément à la baisse le nombre de mise en chantier en 2015.
Seconde raison, la chute des projets par manque de foncier disponible. Certains promoteurs ont enfin aussi assisté à une baisse de leurs rythmes de commercialisation. »
Quel est l'impact sur le secteur de la construction ?
N. H : « Les destructions d'emplois sont estimées entre 20.000 et 30.000 postes, rien que sur 2014. Ces pertes sont accentuées par la baisse de l'activité dans le secteur de la construction de logements neufs. Plusieurs études ont par ailleurs démontré qu'il existait un ratio de 1,8 emploi direct créé par logement construit, auxquels s'ajoutent les emplois indirects et induits. Partout dans le monde la construction de logement est créatrice d'emplois.
L'affaiblissement de l'activité pèse également beaucoup sur les petites entreprises de quelques employés, qui sont souvent celles qui souffrent le plus. A cela s'ajoute une baisse importante de la construction des maisons individuelles. Or, c'est un secteur dans lequel l'on retrouve beaucoup de PME, et même de TPE. Elles disparaissent très vite. »
Les résultats sont bien loin de l'objectif des 500.000 logements fixé par le gouvernement. Les annonces et réformes en faveur du logement devraient-elles pouvoir renverser la tendance ?
N. H : « Je pense que les annonces qui ont été faites courant 2014 sont bonnes (en vigueur depuis le 1er janvier pour l'essentiel). Dans un premier temps, nous devrions assister à un retour des investisseurs. Le dispositif Pinel, qui permet de raccourcir la période pendant laquelle un investisseur s'engage à louer (6 ans minimum), est très utile et rassurant. La possibilité de louer à ses descendants et ascendants, en bénéficiant des mêmes avantages, devrait aider à relancer la construction de logements neufs.
La baisse historique des taux d'intérêt des crédits devrait également continuer à supporter le marché. On constate d'ailleurs que le niveau des mensualités se rapproche du marché locatif, même pour des apports très raisonnables.
Contrepartie de ces taux très bas, l'épargne est très faiblement rémunérée actuellement. Cela devrait inciter les investisseurs à davantage revenir sur le marché à partir du 2e semestre 2015. »
Pensez-vous que la mobilisation du foncier public va être utile ?
N. H : « Elle est indispensable, mais cela fait longtemps que l'on en parle. Il faut maintenant passer aux actes. »
Quelles mesures de relances supplémentaires pourraient être mises en place ?
N. H : « La plus efficace et celle qui pourrait avoir un effet très rapide, sans déstabiliser à coup d'annonces, serait le déplafonnement des niches fiscales (aujourd'hui à 10.000 euros) pour l'investissement immobilier. »
Que pensez-vous du rapport publié le 30 janvier dernier et qui pröne la baisse de plusieurs aides au logement ?
N. H : « Les aides au logement coûtent quelque 40 milliards d'euros par an. Mais ce secteur est très profitable, il en rapporte 60 ! Le logement est très rentable fiscalement pour le gouvernement. Ces rapports vont à contre-sens. »
Quels sont les résultats de Kaufman & Broad en 2014 ?
N. H : « Nous avons augmenté nos réservations sur l'année 2014, en volume de +9% à 5871. En valeur nous avons enregistré une croissance de 14%. Nous avons également multiplié par trois les réservations sur le secteur des bureaux, tandis que nous avons augmenté de 16% l'acquisition de foncier pour la construction de futurs logements.
Pour obtenir ces résultats, nous avons dû être très rigoureux sur la sélection des emplacements de nos projets, en travaillant uniquement sur des zones à forte pression démographique. Seuls nos chiffres en Ile-de-France n'ont pas connu de croissance. Ils sont tout de même restés stables. Cela s'explique facilement, puisqu'il y a eu beaucoup de changement de majorité politique dans cette région à la suite des élections municipales. Le temps que les nouvelles équipes s'approprient les projets, nous avons perdu 6 mois. Nous avons pu obtenir des permis de construire qu'en septembre, pour un lancement commercial qui n'a pu débuter qu'en fin d'année.
Pour 2015, nos résultats devraient rester identiques, en supposant un environnement macro-économique et fiscal stable. »