Election présidentielle : le programme fiscal de Philippe Poutou
A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, BoursedesCrédits est allé à la rencontre des candidats. La question des impôts est au coeur des débats alors que les Français s'estiment trop taxés. Focus sur le programme du candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste, Philippe Poutou.
"Ce prélèvement à la source ne sera pas source de simplification et risque une nouvelle fois de rendre plus complexe l'impôt".
BoursedesCrédits: Quelle est votre vision de la politique fiscale menée lors du quinquennat de François Hollande ?
Philippe Poutou: La politique fiscale de Hollande pendant ces 5 dernières années est du même acabit à celle de ses autres politiques. Pendant 5 ans, il a mené une politique favorable aux plus riches et aux entreprises et sa politique fiscale n'a pas dérogé à cela. Durant le premier trimestre de son mandat, il a pris quelques demies-mesures visant les revenus élevés (mais pas exclusivement) et les grandes entreprises. Il n'est pas revenu complètement en arrière sur l'allègement de l'ISF mis en oeuvre par Sarkozy (ainsi que celui des droits de succession) et la tranche à 75% sur les revenus élevés s'est enlisée. Le bilan fiscal du quinquennat Hollande dans son ensemble pour les particuliers à revenu faible ou moyen est simple : une augmentation des impôts les plus injustes, non progressifs, comme la TVA, en partie pour financer le Crédit compétitivité emploi (CICE) et l'augmentation des impôts locaux pour faire face à la baisse de la dotation de l'État aux collectivités locales.
En revanche, les entreprises ont été fiscalement choyées, au nom de l'emploi, pendant ce quinquennat avec le CICE (18 milliards d'euros donnés en 2016 sans aucun contrôle, aux termes des instructions du ministère des Finances à ses services), la baisse des prélèvements fiscaux (3 milliards d'euros en 2016) et la baisse de l'impôt sur les sociétés. Il faut ajouter à cela une baisse supplémentaire des exonérations de cotisations sociales employeurs. Le bilan d'une telle politique est quasi-nul en termes d'emploi et de chômage : les ressources gaspillées auraient pu être utilisées à la création des emplois nécessaires, dans la santé par exemple. Tandis que les ménages à revenu faibles ou moyens subissent le recul des services publics (dans les communes, la santé, etc.).
Les Français s'estiment trop taxés. Que ferez-vous pour alléger les impôts des ménages français ?
P.P.: Le "ras-le-bol" fiscal n'est pas nouveau. Depuis toujours, nous avons tendance à penser que nous payons trop d'impôts oubliant même à quoi servent les impôts pour ce qui est des services publics (les dépenses militaires, c'est autre chose). Je dois d'abord souligner que tout le monde paie des impôts : une personne au RSA qui ne fait que consommer subit de plein fouet la TVA (et d'autres impôts et taxes non-progressifs) et à un taux d'imposition effectif sans doute supérieur à celui de Madame Bettencourt. Les campagnes anti-fiscales se focalisent sur l'impôt sur le revenu. Rappelons que nous sommes l'un des pays où l'impôt sur le revenu est le plus faible (surtout pour les plus aisés), même quand on y adjoint la contribution sociale généralisée (CSG). Miné par les niches et autres dégrèvements, les impôts directs sur le revenu ne représentaient que 7,3 % du PIB en 2010, contre 8,8 % en Allemagne et 10 % au Royaume-Uni. Mais pour faire croire que nous croulons sous le poids de l'impôt, les commentateurs en tout genre mettent en avant le chiffre de l'ensemble des prélèvements (impôts, cotisations, taxes diverses).
Nos propositions reposent sur un principe directeur qui consiste à privilégier les impôts directs et les impôts progressifs. La fiscalité doit être compréhensible par touTEs, ce qui est la condition même pour qu'elle puisse donner lieu à un véritable débat démocratique dans lequel arbitrages politiques seraient réellement maîtrisés par tous.
Concernant l'impôt sur le revenu, nous souhaitons la création de nouvelles tranches permettrait d'établir une réelle progressivité, ainsi que la création d'un taux marginal à 100 % à partir d'un certain niveau de revenu (260 000 euros par an). L'ensemble du revenu des personnes physiques doit être pris en compte dans la base imposable. Quelle que soit leur nature, tous les revenus doivent être taxés de la même façon. Enfin, nous pensons qu'il faut supprimer le quotient conjugal et réviser le quotient familial qui sont favorables aux plus riches.
Concernant les impôts indirects dont l'essentiel est constitué par la TVA qui est payée par tous mais pas de la même manière. Pour les bas revenus, tout est consommé, donc soumis à la TVA. Au-dessus d'un certain montant, une partie du revenu se trouve épargnée et y échappe ainsi. En somme, plus on est riche, moins on paye ! La justice fiscale imposerait donc de réduire drastiquement la part des impôts indirects dans l'ensemble des recettes. Cela ne veut pas dire que l'on s'interdit toute action par l'impôt indirect, mais elles doivent être ciblées sur les comportements sociaux les plus discutables de façon à les limiter au maximum. Par exemple, si l'on veut freiner l'utilisation de la voiture individuelle, nous ne pouvons pas être, comme le proposent certains écologistes, pour l'augmentation de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (ex-TIPP) car cela touche les personnes les plus modestes, contraintes, par le prix du foncier, d'habiter en dehors de toute zone bien desservie par les transports publics. Par contre, rétablir une taxe sur les véhicules (la fameuse vignette) au-dessus d'un certain nombre de chevaux, notamment pour les 4/4, serait pertinent. Taxer directement certaines pratiques sociales de la bourgeoisie pour en limiter les nuisances pour l'ensemble de l'humanité ne devrait pas nous poser problème. Il convient de veiller à ce que la fiscalité ne renforce pas les phénomènes d'exclusion. C'est la raison pour laquelle nous sommes donc favorables à la suppression de la TVA et de la TICPE.
Pour les impôts locaux, un des principaux problèmes réside dans les inégalités de richesse entre communes (liées à la présence d'entreprises et/ou de ménages à revenus élevés). Outre leur réforme, il conviendrait donc d'organiser une péréquation entre les communes d'une même région sur la base du nombre d'habitants.
La taxe d'habitation perçue par les communes est un impôt particulièrement injuste alors qu'il constitue un des principaux impôts sur les bas revenus. Il existe une forte disparité entre les communes : il est ainsi notoire que, par exemple, la taxe d'habitation est faible à Paris et forte dans les communes des banlieues les plus populaires. Sa base de calcul est la valeur locative des logements, elle-même déterminée de manière plus que contestable et remontant au début des années 1970, ce qui représente un avantage pour les propriétaires et locataires des centres-villes où la proportion de personnes à revenus élevés est souvent plus importante. Nous pensons que le logement constitue un besoin fondamental des individus et que la taxe d'habitation doit donc reposer sur une base qui renvoie aux moyens contributifs de chacun et non au type de logement.
La taxe foncière est liée à la propriété. Il convient également de modifier cet impôt : la valeur des biens prise en compte pourrait être la valeur vénale déclarée par les contribuables qui serait opposable en cas de revente (avec possibilité de préemption par les communes). Nous pensons que ces quelques mesures permettraient une meilleure justice fiscale.
Maintiendrez-vous le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ?
P.P.: Non car nous pensons que le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu participe à la logique d'en finir avec l'impôt progressif sur les revenus et sans doute, pour simplifier le système, on diminuera encore plus les tranches d'imposition. Il y a un risque sérieux que l'impôt progressif disparaisse en faveur d'un impôt à taux unique, imposant les milliardaires au même taux que les smicards.
L'argument principal donné par le gouvernement Hollande pour la mise en place du prélèvement à la source est d'améliorer le recouvrement de l'impôt alors qu'actuellement cet impôt est recouvré à 98,5 % par la Direction Générale des Finances Publiques. Donner ce recouvrement aux entreprises fera, tout comme pour la TVA, perdre des recettes à l'État. Et contrairement à ce que peuvent penser les contribuables, ce prélèvement à la source ne sera pas source de simplification et risque une nouvelle fois de rendre plus complexe l'impôt. Sans parler que ce prélèvement à la source sera l'occasion de supprimer encore plus d'emplois aux finances publiques.
Quelles mesures prendriez-vous quant à l'impôt sur l'épargne ?
P.P.: Les produits d'épargne doivent être intégrés dans le barème général de l'impôt sur le revenu avec comme seule exception les livrets de caisse d'épargne populaire et d'épargne au-dessous d'un certain plafond.
Que préconisez-vous dans le domaine de la fiscalité immobilière ?
P.P.: Dans l'immobilier, il faut réexaminer tous les dispositifs existants : dans le principe, il n'y a aucune raison que le revenu résultant de locations échappe au barème général de l'impôt sur le revenu (une vraie politique du logement serait par ailleurs nécessaire).
Si vous êtes élu, quelles seront vos premières mesures fiscales ?
P.P.: Mes premières mesures fiscales seraient :
- Supprimer le CICE
- Rendre plus progressif l'impôt en créant de nouvelles tranches
- Supprimer les impôts indirects mais compte tenu des masses financières aujourd'hui en jeu, cela ne peut se faire que sur plusieurs années
- Créer d'un taux zéro de TVA sur les produits indispensables à l'existence comme les produits alimentaires essentiels, les fluides comme l'eau, le chauffage, mais aussi les livres scolaires
- Soumettre les produits de luxe à des taux de TVA élevés
- Remettre également à 50% le taux d'imposition sur les sociétés comme c'était le cas en 1985
- Engager une lutte systématique contre la fraude et l'évasion fiscale
- Envisager une taxe spécifique sur les profits bancaires