Encadrement des loyers à Paris : un dispositif pour rien ?
Les professionnels de l'immobilier s'interrogent sur l'utilité de l'encadrement des loyers, qui entrera en vigueur le 1er août prochain à Paris, alors que les prix se tassent et que la pression de la demande devient moins forte.
La Fnaim songe à déposer un recours devant le Conseil Constitutionnel pour faire barrage au dispositif, tout comme l'a déjà fait mercredi la Chambre des propriétaires.
Pas encore appliqué et déjà critiqué. À partir du 1er août prochain, le loyer d'un logement à Paris intramuros ne pourra pas dépasser de 20 % un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %. Un encadrement des loyers jugé complètement inutile par bon nombre de professionnels de l'immobilier, en raison d'une légère baisse des prix observée cette année.
Dans son bilan du 1er semestre, présenté mercredi, le Crédit Foncier note un recul des loyers dans une majorité de métropoles françaises sur douze mois... y compris à Paris, où il fléchit de 1,2 % pour les studios, de 1 % pour les 3 pièces et de 4,4 % pour les 4 pièces. Les 2 pièces, l'offre la plus présente sur le marché, ont conservé un loyer stable (-0,2 %).
Un marché locatif qui s'auto-régule
Selon l'association Clameur, un outil de référence locative, le prix moyen du loyer parisien serait passé de 25,3 €/m² en 2014 à 24,4 €/m² en 2015, soit un recul de 3,5 %. "Aujourd'hui, le contexte n'est plus celui de la pénurie de l'offre. Le marché s'est auto-régulé avec des loyers à la baisse", explique Gilles Ricour de Bourgies, président de la chambre Fnaim du Grand Paris.
"On ne peut que s'interroger, devant ce constat, sur la pertinence d'un dispositif tel que l'encadrement des loyers, quand tout démontre que le marché se régule naturellement", fustige également Century 21 dans son étude du 7 juillet.
Le taux de vacance en augmentation
Selon le réseau d'agences immobilières, la baisse naturelle de prix est due à une pression moins forte de la demande. "Profitant des conditions de marché très favorables -prix et taux bas-, une partie des ménages s'est orientée vers l'acquisition", justifie le réseau.
Autre signe, "l'augmentation du taux de logements privés remis sur le marché" en France au premier semestre, indique Bruno Deletré, directeur général du Crédit Foncier. De 26,9 % en 2014 à 28,2 % en 2015. Une hausse liée "à la mobilité familiale et économique des locataires".
Mais il prédit un "impact négatif" de l'encadrement des loyers. Les délais de relocation commencent déjà à s'allonger, affirment la Fnaim et Century 21, sans donner de chiffres précis.
"Les propriétaires sont attentistes, ils hésitent avant de relouer ou de faire des travaux", signale Jean-François Buet, président de la Fnaim. D'après le retour des agents sur le terrain, "certains investisseurs parisiens se reportent vers la banlieue, là où l'encadrement des loyers n'est pas appliqué".
L'augmentation du taux de vacance et des délais de relocation témoignent à eux seuls de la mauvaise santé du secteur.
Century 21
Un impact sur 3 % des loyers parisiens
Pile un mois avant sa mise en oeuvre, Gilles Ricour de Bourgies, président de la chambre Fnaim du Grand Paris, a lui aussi dénoncé dans une tribune le peu d'impact qu'aura le dispositif : "qui seront les gagnants de l'encadrement des loyers ? Pas grand monde lorsqu'on y regarde de plus près", a-t-il réagi, rappelant qu'il ne concerne pas les reconductions tacites de bail.
"On estime à 18 % le taux de rotation des loyers sur Paris. Parmi ces 18 %, seuls 15 % des logements devraient bénéficier d'une baisse effective des loyers. Ceci correspond aux appartements qui se situent au-dessus du prix médian maximum, fixé par le Préfet de Paris. Soit moins de 3% des loyers parisiens", a-t-il poursuivi.
Il a réaffirmé son scepticisme lors d'une conférence de presse, jeudi 9 juillet : "en ce qui concerne l'encadrement des loyers, nous constaterons dans un an que le niveau des loyers sera identique à celui d'aujourd'hui".
Le mécontentement est tel que la Fnaim songe à déposer un recours devant le Conseil Constitutionnel pour faire barrage au dispositif, tout comme l'a déjà fait mercredi la Chambre des propriétaires.