Épargne : le LDDS va-t-il finalement devenir solidaire ?
Pas vraiment à la hauteur de son appellation, le livret de développement durable et solidaire (LDDS) fait l'objet de protestations de la part des acteurs du secteur de l'économie solidaire. Ils réclament au Conseil d'État la mise en application des mesures prises sur le sujet.
Le LDDS est un livret d'épargne plafonné à 12 000 €. Fin 2019, son encours représentait 112,4 milliards d'euros
Anciennement nommé Livret de développement durable (LDD) et renommé livret de développement durable et solidaire (LDDS) en 2016, le livret d'épargne fait aujourd'hui l'objet de plusieurs critiques dans le secteur de l'économie solidaire.
En effet, malgré un nom évocateur, ce placement, que l'on décrit souvent comme étant le petit frère du livret A, n'a pour le moment rien de solidaire. Face à cette anomalie, Finansol et la Chambre française de l'économie social et solidaire ont décidé de saisir le Conseil d'État.
Du retard sur l'application des décrets
En effet, lors de son changement de nom dans le cadre de la loi Sapin II (promulguée fin 2016), le LDDS devait intégrer deux obligations pour les banques. Deux volets nommés respectivement « dons » et « financement ».
Premièrement, les banques se voient dans l'obligation de proposer aux détenteurs d'un LDDS - soit 24 millions d'épargnants - de faire don d'une partie de la somme de leur livret à un acteur de l'économie sociale et solidaire. De plus, selon la loi, les banques se doivent de soutenir ces mêmes acteurs en leur accordant des prêts grâce aux sommes déposées sur le LDDS.
Problème, plus de trois ans après la promulgation de la loi, cette dernière n'est toujours pas appliquée. Pour être effectives, ces mesures nécessitent des textes d'applications que le gouvernement peine à publier.
Même si un décret à bien été publié en décembre dernier concernant le volet « dons », son entrée en vigueur a été différée a juin 2020.Le texte précise notamment que les banques devront proposer annuellement aux détenteurs d'un LDDS une liste d'au moins 10 bénéficiaires possibles, sélectionnés parmi une liste d'établissements éligibles.
Le texte d'application du volet « financement » se fait lui toujours attendre. Une situation qui fait même des émules au sein de la majorité puisque Éric Alauzet, député LREM, a déposé une question écrite à ce sujet au ministre de l'Économie et Finance, le 28 janvier dernier. Même si elle reste pour le moment sans réponse, le ministère à tout de même déclaré au Monde que la publication « ne devrait plus tarder ». Probablement avant la fin du premier semestre 2020.
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire réagissent
Face à une situation qui ne bouge pas beaucoup, Finansol et la Chambre française de l'économie social et solidaire ont donc décidé d'agir.
C'est ce que confirme Frédéric Tiberghien, président de Finansol, dans les colonnes du Monde. Face au retard du gouvernement, ils ont décidé « de saisir le Conseil d'Etat » tout en précisant qu'un recours « a été déposé le 4 février par Finansol et la Chambre française de l'économie sociale et solidaire ».
Selon eux, le délai d'application de la loi est « très critiquable ». La faute à un gouvernement assez réticent face à ces mesures : « Ce sont les parlementaires qui avaient, en 2016, introduit la mesure dans la loi, pas le gouvernement. Et le gouvernement actuel n'en veut pas plus que le précédent, Bercy estimant qu'il y a trop d'argent dans le secteur de l'économie sociale et solidaire » explique le président de Finansol, toujours dans les colonnes du monde.
Concernant les deux volets de la loi. Concernant le volet « dons » ils redoutent que les banques, elles aussi assez réticentes face à ces mesures, ne proposent qu'un choix restreint de bénéficiaires et non pas une liste. Plus grave encore, le retard dans l'application du volet « financement » représenterait, selon le président de Finansol, un manque à gagner considérable pour l'économie sociale et solidaire :
« Concernant le volet 'financement', chaque année de retard d'application de la loi prive le secteur d'environ 100 millions d'euros de prêts, c'est considérable. Concernant le volet 'dons', l'enjeu n'est certes que de quelques centaines de milliers d'euros par an, mais c'est important sur le plan pédagogique. Il y a 24 millions de détenteurs de LDDS, il s'agit de familiariser les foyers avec l'épargne solidaire, qui aujourd'hui ne permet aux associations de récolter qu'environ 4 millions d'euros de dons. »
Reste désormais à savoir si leur recours permettra réellement d'accélérer le processus. En attendant, le LDDS a connu, comme le livret A, une baisse de sa rémunération à 0,50 % depuis le 1er février.