La FED baisse ses taux directeurs, une première depuis 2008
Alors que la BCE a annoncé, il y a quelques jours, un maintien des taux bas, la FED (Banque centrale américaine) a baissé ses taux directeurs pour la première fois depuis 2008.
Federal Reserve Board de Chicago/photo libre de droits
Incontestablement, la baisse des taux est le tube de l'été. Alors que le taux immobilier 2019 ne cesse de baisser, Mattéo Draghi, le patron de la BCE a annoncé le maintien de ses taux directeurs à des taux bas jusqu'au moins le premier semestre 2020. Alors que les Européens peuvent, par exemple, profiter de prêt immobilier sans apport, il semblerait que les États-Unis soient en passe de leur emboîter le pas.
Mercredi, c'est la Banque centrale américaine qui a, à son tour, annoncé une baisse de ses taux directeurs. Une première depuis 2008 pour l'institution américaine. Une décision avant tout motivée par des perspectives économiques mondiales peu réjouissantes et une inflation basse.
Une baisse de 0.25 point de base
Jérôme Powell, le président de la FED, a donc annoncé que l'institution américaine baissera les taux directeurs d'environ 0.25 point, ainsi, ils se situeront désormais entre 2% et 2.25%.
Après une hausse en décembre dernier, la décision à de quoi surprendre. Surtout qu'il s'agit de la première baisse des taux directeurs depuis 2008. Pourtant, elle est loin d'être une surprise pour les observateurs. Le patron de la FED avait déjà expliqué en juin que l'institution s'apprêtait à adopter une politique plus «accommodante».
Selon le président Powell, cette baisse sera ponctuelle. Il précise ainsi que « ce n'est pas le début d'une longue série de baisses des taux », écartant, de fait, l'hypothèse d'un « long cycle » de baisse. Il a, par ailleurs, motivé cette décision par trois raisons principales, à savoir : « réduire le risque » qui pèse sur l'activité, « soutenir la demande » et le « retour de l'inflation à 2% ».
Selon la FED, l'inflation (1,4 % en juin en rythme annuel) est trop atone et trop éloignée de son objectif annoncé de 2%. Cette décision est également motivée par «des risques externes » tels que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Il explique enfin que l'endettement des entreprises américaines pourrait également représenter un risque à moyen terme en accentuant un ralentissement économique éventuel.
Une économie américaine pourtant dynamique
Pourtant, au vu de la situation économique américaine, la baisse des taux n'apparaissait pas comme indispensable. Selon les propos même de Jérôme Powell, la situation économique américaine est saine. Au deuxième trimestre, la croissance est solide et atteint les 2.1% tandis que le taux de chômage est au plus bas depuis près de 50 ans (3.7%).
D'ailleurs, aucune décision ne fut autant contestée en interne depuis la prise de pouvoir de Jérôme Powell en février 2018. Deux membres du Fédéral Open Market Committee (FOMC), à l'origine de la baisse des taux, ont ainsi voté contre cette orientation. Esther L. George et Eric S. Rosengren, qui dirigent les antennes régionales de la Réserve fédérale à Kansas City et Boston se sont également ouvertement opposés à une baisse, arguant qu'au vu du contexte économique actuel elle n'était pas nécessaire.
Infographie réalisée par BoursedesCrédits.com/ Source des données : Le Figaro/Féderal funds
De même, les déclarations de Jérôme Powell ne semblent pas avoir particulièrement convaincu les marchés. Mercredi, les principaux indicateurs de Wall Street ont fini en baisse, qu'il s'agisse du Dow Jones (-1.23%), du S&P (-1.09%) ou du Nasdaq Composite (-1.18%). Dans leur sillage, plusieurs chûtes ont pu être observées un peu partout à travers le globe, comme en Chine (-0.3% lors de l'ouverture de la bourse à Hong-Kong, -0.4% à Shanghai) et en Europe (Paris, Londres et Francfort ont démarré la journée de jeudi dans le rouge).
Derrière la FED, l'ombre de Trump
Ceci étant, le scepticisme n'est pas de mise partout. À l'intérieur des murs de la Maison-Blanche, le président Donald Trump peut être particulièrement satisfait de cette baisse. Depuis plusieurs mois, il ne cesse d'invectiver la FED et son patron, afin que l'institution se décide enfin à baisser les taux.
Dès lundi, Donald Trump se plaignait sur Twitter : « L'[Union européenne] et la Chine vont à nouveau baisser les taux d'intérêt et injecter de l'argent dans leurs systèmes, ce qui facilitera la vente de leurs produits. En attendant, et avec une inflation très basse, notre Fed ne fait rien – et va sans doute faire bien peu en comparaison. Dommage ! »
Même après les annonces de mercredi, le pensionnaire du bureau ovale n'a pas hésité à se montrer déçu des annonces, lui qui espérait une réduction plus marquée. Il n'a, d'ailleurs, pas manqué de le faire remarquer via son réseau social favori, avec la véhémence qu'on lui connaît : « Comme d'habitude, Powell nous a laissé tomber. [...] Nous gagnons quand même, mais je ne suis vraiment pas aidé par la Réserve fédérale !» a-t-il notamment déclaré. Malgré cela, il s'est tout de même montré satisfait de la baisse des taux tout en indiquant son souhait de voir cette baisse se poursuivre comme en Chine et dans l'UE.
Bien que Jérôme Powell ait réaffirmé l'indépendance de la FED vis-à-vis du pouvoir politique, indiquant implicitement que la baisse des taux n'avait pas vocation à contenter Donald Trump. Pourtant, force est de constater que le président conservateur semble avoir obtenu gain de cause.
Au vu des échéances électorales, il n'est pourtant pas difficile de déchiffrer la position du président, futur candidat à sa réélection. Il souhaite ainsi qu'une politique de taux bas permette de favoriser le consommateur, diminue le coût de la dette et dope le Dow Jones à Wall Street.
Une forte baisse des taux inciterait, en effet, les américains à consommer plus, quitte à faire augmenter l'endettement. En effet, le dynamisme économique est un argument phare de Donald Trump. Des taux bas étant également une manière de compenser les effets de sa guerre commerciale avec la Chine, en soutenant l'activité nationale.
Une baisse bénéfique ?
Au-delà de ces considérations politiques, une question demeure : la baisse des taux sera-t-elle bénéfique à l'économie américaine ? Et par extension, à l'économie mondiale. Difficile pour le moment de se projeter sur les conséquences de cette décision.
Une chose est sûre, lors d'un ralentissement de l'économie, une baisse des taux peut inciter les différents acteurs économiques à emprunter pour investir et consommer, ce qui favorise la croissance. Cela peut également permettre de réduire le coût de la dette des États, et ainsi, comme indiqué précédemment, compenser le coût de la guerre commerciale avec la Chine. Enfin, cette baisse pourrait également permettre de continuer à faire baisser le chômage, d'enclencher l'inflation et donc, à terme, de pouvoir remonter les taux.
Cependant, cette décision pourrait également engendrer plusieurs effets indésirables. Par exemple, plusieurs économistes craignent qu'une baisse des taux ne stimule abusivement l'économie et favorise ainsi la création d'une bulle financière.De plus, les taux bas empiètent sur la rentabilité des banques, qui gagnent moins d'argent lorsqu'elles ne prêtent. Pour éviter cela, les banques peuvent ainsi décider de réduire les prêts afin de limiter les pertes.
Par ailleurs, rien n'indique les ménages opteront pour la consommation davantage que pour l'épargne. Enfin, une baisse des taux favorise une croissance boostée par l'emprunt, la dette et le crédit. Ce qui rend l'économie vulnérable en cas de remontée des taux.
Vraisemblablement, il faudra attendre quelque temps avant de pouvoir véritablement observer les effets de cette décision. Espérons simplement qu'elle ne soit pas les prémices d'une nouvelle crise plus de 10 ans après le séisme de 2008.