Immobilier : « Dorénavant, le confort du logement, la surface, la luminosité et les extérieurs seront vraisemblablement des critères essentiels de recherche. »
Alors que le confinement arrive à son terme, le président du réseau immobilier Laforêt a accepté de répondre aux questions de BoursedesCrédits.
BoursedesCrédits : Cela fait désormais six semaines que les agences sont fermées. Comment votre réseau s'est-il organisé ? Avez-vous pu maintenir une partie de votre activité ?
Yann Jéhanno, président du réseau immobilier Laforêt : Le réseau Laforêt est constitué de 700 points de vente et 4 000 collaborateurs dont 60 % sont des effectifs commerciaux. Pour une large majorité, ceux-ci ont été mis au chômage partiel assez rapidement du fait de la fermeture des agences immobilières au public. L'activité s'est poursuivie en télétravail pour une partie d'entre-eux, ne serait-ce que pour assurer un suivi des clients et des projets en cours.
Les 40 % restants sont soit des franchisés, c'est-à-dire des chefs d'entreprises, soit les collaborateurs en charge des métiers de la gestion locative et du syndic de copropriété. Il faut continuer à gérer les copropriétés et les flux financiers entre locataires et bailleurs.
Depuis quelques semaines, nous sommes entrés dans une perspective de réouverture. Nous travaillons sur notre propre guide de préconisations sanitaires afin d'accueillir nos collaborateurs et les consommateurs dans nos points de vente. Nous travaillons également à l'adaptation de nos processus métiers. Il va falloir changer nos habitudes.
BoursedesCrédits : On a vu que le gouvernement a mis en place plusieurs décrets, notamment en ce qui concerne la signature électronique avec les notaires. Selon vous, ces mesures auront-elles un réel effet ?
Y.J : Sur le sujet de la digitalisation des métiers, nous sommes plutôt en avance de phase. Au sein de notre réseau, nous utilisons la signature électronique depuis plusieurs années. Chaque mois, nous signons environ 10 000 actes de manière électronique (mandat de ventes, avenants aux mandats, baux, compromis, etc.).
Bien qu'il aille dans le bon sens, ce décret a trois écueils. Le premier est qu'il ne concerne que les dossiers qui sont en état d'être signés, c'est-à-dire ceux qui ont franchi toutes les étapes d'une transaction immobilière. Il ne concerne pas les ventes bloquées au milieu du gué. La seconde limite est que, malgré la dynamique du Conseil Supérieur du Notariat, la majorité des offices notariaux ne sont pas équipés pour le faire. Et puis, la troisième limite réside dans le fait qu'une transaction immobilière est une chaîne qui fait intervenir des agents immobiliers mais aussi des administrations qui ont été ou sont encore fermées. Quand toutes les conditions sont réunies, ce décret permet donc de finaliser certains dossiers.
BoursedesCrédits : La reprise va forcément s'accompagner d'un certain nombre d'ajustements et de gestes barrières. En ce sens, allez-vous avoir davantage recours au digital ? Si oui, ne craignez-vous pas de perdre un peu de proximité avec vos clients ?
Y.J : Non, notre parcours client digitalisé est un complément. Le digital ne vient pas se substituer à l'humain, il s'agit d'un ensemble d'outils complémentaires. Nous l'avons vu concrètement dès le début de ce confinement. Nos clients attendaient surtout un appel de leur agent immobilier afin de les rassurer et de les accompagner au mieux dans les démarches à entreprendre. Dans ces cas, le contact humain, via le téléphone ou la visioconférence a tourné à plein régime.
Pour le reste, là encore, nous ne sommes pas en retard puisque nous proposons de nombreux services en ligne : la prise de rendez-vous, l'estimation, la visite virtuelle, le suivi de la vente...
BoursedesCrédits : Toujours en matière de digitalisation, quels enseignements les agences peuvent-elles tirer de la crise ?
Y.J : Indiscutablement, le premier enseignement concerne la digitalisation à marche forcée. Aujourd'hui, nous sommes tous plus habitués à utiliser les outils digitaux, y compris les consommateurs qui parfois refusaient d'emprunter certains canaux de communication.
Le second enseignement est la consécration du « phygital » qui allie le monde physique et le monde digital. Sans les relations humaines, sans les points de vente physiques, le digital reste très insuffisant.
Enfin, le contexte nous a également rappelé que nous nous devons d'être encore plus agiles. Ainsi, en trois semaines, nous avons modélisé un service de visite à distance qui permet à l'agent immobilier Laforêt de réunir le vendeur et l'acquéreur sur des interfaces comme Zoom ou WhatsApp. En théorie, c'est simple, mais dans l'expérience c'est très différent. Cela ajoute une dimension pédagogique à nos savoir-faire ainsi qu'un travail en amont beaucoup plus important.
BoursedesCrédits : Comment vos équipes se préparent-elles à la date du 11 mai ?
Y.J : D'un point de vue logistique, nos agences seront dotées d'équipements sanitaires, de masques, de gels hydroalcooliques... Un Guide de Préconisations Sanitaires détaillera notre manière de recevoir et de traiter la clientèle. De l'accueil en agence, aux visites, en passant par les signatures, toutes les étapes y seront abordées.
Concernant la reprise des activités, nous sommes convaincus qu'après le confinement, nous rencontrerons deux catégories de consommateurs : d'une part, celles et ceux qui voudront continuer à vivre presque comme avant. Ils souhaiteront continuer à venir dans les agences et visiter des biens physiquement. Pour eux, nous devrons faire respecter les mesures sanitaires et les gestes barrières, mais également digitaliser certaines étapes.
A côté, un certain nombre de clients voudront rester à l'écart des commerces physiques pendant quelques temps avec lesquels il faudra entretenir le lien.
BoursedesCrédits : Quelle sera, selon vous, l'attitude des consommateurs ?
Y.J : Avant cet épisode, le marché était très déséquilibré. Au niveau national, nous avions une sur demande avec dix acquéreurs en base de données pour un bien à vendre. Cela est encore plus manifeste sur les marchés les plus tendus, comme ceux des grandes métropoles. Même si cette demande était amenée à reculer, ce qui n'est pas établi, on resterait sur un marché ou la demande est supérieure à l'offre.
Ensuite, avoir un toit au-dessus de la tête fait partie de nos besoins essentiels. Le parcours immobilier est aussi profondément lié aux évènements de la vie : mariages, naissances, retraites, mutations... Ceux-ci ne devraient pas cesser après le confinement. Il n'est pas non plus impossible que les français soient tentés de miser davantage sur la pierre que sur les marchés boursiers.
BoursedesCrédits : La crise modifiera-t-elle le comportement des acquéreurs ?
Y.J : Vraisemblablement. Ne serait-ce que sur notre perception du logement. Du fait de la généralisation du télétravail, on peut se rendre compte que ce qui était tolérable lorsque l'on passait une demi-journée ou une journée par semaine dans son logement, l'est beaucoup moins lorsqu'on y est tous les jours. Dorénavant, le confort du logement, la surface, la luminosité et les extérieurs seront vraisemblablement des critères essentiels de recherche.
BoursedesCrédits : Êtes-vous inquiet pour l'avenir du marché immobilier ?
Y.J : Cette crise sanitaire aura évidemment un fort impact économique. Nous ne maîtrisons pas la rapidité de la reprise du marché immobilier. Elle dépendra de multiples facteurs, en particulier la capacité des banques à octroyer les financements de la même manière. Mais aussi, la capacité de toute la chaine immobilière à faire face au goulot d'étranglement qui nous attend dans les prochains mois.