Transmission du patrimoine : ne jamais faire passer l'intérêt fiscal avant celui du donateur

Anissa Hammadi 02 Mars 2015 17:14

Donation-partage, démembrement de propriété. Comment transmettre son patrimoine à ses enfants ? Réponses de Me Barbara Thomas-David, notaire à Paris.

Transmission du patrimoine : ne jamais faire passer l'intérêt fiscal avant celui du donateurMe Barbara Thomas-David, notaire à Paris.

Bourse des Crédits : Est-il plus malin de «liquider» son patrimoine de son vivant pour éviter au maximum les droits de succession ?

Barbara Thomas-David : Tout d'abord, il est important d'aller voir son notaire pour commencer à transmettre son patrimoine. C'est une gestion qui commence töt. Ensuite, il n'y a pas de règles concernant la donation. Tout dépend de la consistance de sa famille et de son patrimoine.

Il vaut mieux se poser la question le plus töt possible dans le cas d'une famille recomposée, d'un remariage ou lorsque le patrimoine est important. À l'inverse, faire une donation de son vivant est inopportun lorsqu'on dispose d'un seul bien, sa résidence principale, d'une valeur de 300.000 euros. Parfois, il est urgent de ne rien faire ! Dans tous les cas, il ne faut jamais faire passer l'éventuel intérêt fiscal avant l'intérêt du donateur.

Quelle est la différence entre une donation-partage et une donation classique ?

Avec une donation-partage, la valeur des dons reste figée au moment de l'acte. Si l'on donne une somme de 100.000 euros à son fils, et un petit appartement d'une valeur de 100.000 euros à sa fille, ils garderont toujours la même valeur, même au moment du décès du donateur, 20 ans après.

Dans une donation classique, ce n'est pas du tout le même schéma. Elle oblige à un rééquilibrage des comptes le jour du décès. Reprenons le même exemple et imaginons que jour-là, 20 ans plus tard, le fils ait dépensé les 100.000 euros et que l'appartement ait pris de la valeur et soit estimé à 400.000 euros.

Dans ce cas, il faut additionner la valeur des deux dons, c'est-à-dire 100.000 + 400.000. Les 500.000 euros devront être partagés à part égale entre les deux héritiers, et chacun recevra donc 250.000 euros. C'est pourquoi nous conseillons vivement la donation-partage, afin d'éviter les litiges.

Quel autre type de donation conseillez-vous ?

La donation de nue-propriété avec réserve d'usufruit est l'opération la plus courante. C'est aussi la plus intéressante. Elle cristallise tous les avantages fiscaux et familiaux.

En qualité d'usufruitier, le donateur peut toujours jouir de sa résidence secondaire, par exemple, et conserver la mainmise sur le bien, tout en donnant la nue-propriété à ses enfants. Plus le donateur est jeune, plus la valeur de son usufruit est importante.

Prenons un cas concret : si vous avez entre 50 et 60 ans, l'usufruit vaut 50 %. Résultat, l'assiette taxable est réduite de moitié. Un bien d'une valeur de 600 000 euros sera taxé sur la base de 300 000 euros. Les enfants ne paient pas les droits de succession et deviennent automatiquement plein propriétaires du bien. En définitive, c'est une économie fiscale de 50 %.

Il existe aussi deux autres moyens de transmettre à ses enfants : l'assurance-vie et la SCI. Quels sont les avantages et les inconvénients ?

L'assurance-vie n'est pas une donation au sens propre du terme. Mais ça reste une manière de transmettre très intéressante, aussi bien d'un point de vue fiscal que civil. Fiscal, parce que la somme étant délivrée hors succession, on peut détourner le principe des quotes-parts. Civil, car la clause bénéficiaire peut-être destinée à l'un des enfants ou à un autre proche, si le donateur a une préférence.

En revanche, la décision peut être annulée pour « prime exagérée » si les autres héritiers, se sentant lésés, estiment que l'assurance-vie est disproportionnée par rapport au patrimoine du donateur.

Dans le cas d'une SCI (société civile immobilière), c'est bien de vouloir transmettre mais il faut tout de même être prudent. Passer de la propriété de ses biens à des parts dans une SCI est une décision irrémédiable. Il vaut mieux que l'un des parents se porte gérant, afin d'avoir tous les pouvoirs et d'éviter les conflits internes.

Si l'on veut vendre son bien, il faut l'accord des enfants et ces derniers peuvent s'y opposer. Cela dépend donc des familles, ce n'est pas forcément adapté à tout le monde. Par ailleurs, contrairement à ce que certains pensent, les membres d'une SCI doivent aussi s'acquitter de droits de succession.
 

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