Assurance emprunteur : la date unique de résiliation face "au long chemin de la libéralisation du marché"

La rédaction 19 Décembre 2018 14:54

Quel est le rôle de la date unique dans le processus de libéralisation du marché de l'assurances emprunteur ? Patrick Petitjean, président d'Utwin Assurance, a accepté de répondre à nos questions.

Assurance emprunteur : la date unique de résiliation face "au long chemin de la libéralisation du marché"Patrick Petitjean, UTWIN assurance emprunteur

Depuis l'entrée en application de l'amendement Bourquin, un particulier peut décider de changer son contrat d'assurance emprunteur à chaque date anniversaire du prêt. Le problème, c'est que le flou autour de cette date persistait, entretenu par des banques réticentes à voir partir leurs clients. Heureusement pour les consommateurs, le CCSF (Comité consultatif du secteur financier) a tranché : ce sera la date de signature de l'offre de prêt.

Patrick Petitjean, président d'Utwin Assurance, courtier spécialisé en assurance emprunteur, a accepté de répondre aux questions de BoursedeCrédits. Il nous éclaire sur cette fameuse date unique et sur sa place dans la libéralisation du marché des assurances emprunteur.

BoursedesCrédits : l'amendement Bourquin, mis en place début 2018, a-t-il eu un effet sur le comportement des emprunteurs ?

Patrick Petitjean : Oui, assurément. Il y a eu beaucoup de communication autour de cet amendement, il a généré de la curiosité. De nombreuses offres sont apparues et le premier semestre 2018 a été riche en tarification. Celles-ci ont conduit à des opérations de substitution de contrat. Il n'y en a peut-être pas eu autant que ce qui pouvait être espéré, mais il s'est passé des choses, c'est indéniable.

D'ailleurs, deux sondages sur les habitudes des consommateurs ont mis en évidence cette évolution. Le premier, réalisé en novembre 2017, montrait qu'à peu près 34 % des Français se déclaraient intéressés par le changement d'assurance. C'était, à ce moment, grâce aux effets de la loi Hamon.

Le deuxième sondage, datant cette fois de mars 2018, montrait que 78 % des Français étaient désormais intéressés. C'est la démonstration qu'il y a eu un très fort appel d'air à travers cette possibilité de résiliation annuelle.

Le flou sur la date anniversaire pour la résiliation de contrat freine t'il la concurrence ?

P.P. : Oui, le flou sur cette date a bien sûr profité aux banques. Elles ont continué à avoir des pratiques très abusives, qui d'ailleurs, ont été pointées du doigt par l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution).

La première façon pour elles d'éviter le changement d'assurance de leurs clients, était de ne pas donner suite à leurs demandes de substitutions. En faisant traîner leurs dossiers, en prétendant, par exemple, qu'ils n'avaient pas reçu le courrier, elles faisaient en sorte que leurs clients ne respectent pas le prévis de deux mois qu'impose la loi.

La deuxième façon a été, pour beaucoup de banquiers, de ne pas donner la date précise à prendre en considération. Comme il y avait quatre ou cinq dates possibles, à toutes les demandes de substitutions, ils prétendaient que ce n'était pas la bonne.

L'ACPR est intervenue. La CCSF (Comité consultatif du secteur financier) également. Les assureurs et la Fédération bancaire française se sont finalement entendus pour prendre en considération la date de signature de l'offre de prêt comme date anniversaire. Cependant, cela ne prendra pas effet avant la fin de l'année prochaine, ce qui laissera probablement le temps aux banquiers de s'ajuster à ces évolutions de marché.

Les banques respectent-elles leurs obligations, notamment avec la fiche standardisée, auprès de leurs clients ? La législation est-elle suffisamment dissuasive ?

P.P. : Non, la législation n'est pas suffisamment dissuasive. Les banquiers continuent, pour beaucoup, à faire comme par le passé, à ne pas toujours remettre les bonnes informations aux clients, ce qui perturbe le libre jeu de la substitution d'assurance emprunteur.

Pourquoi la date unique n'avait pas été déterminée au moment de l'entrée en vigueur de l'amendement Bourquin, comme cela avait été le cas en ce qui concerne la loi Hamon ?

P.P. : Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais on peut imaginer que cet aspect technique n'avait pas été appréhendé par le législateur. Ce dernier n'avait, à ce moment-là, sans doute pas conscience de l'extrême hétérogénéité des pratiques bancaires.

Pourquoi a-t-il fallu presque dix ans pour arriver à une vraie libéralisation du marché de l'assurance emprunteur ?

P.P. : Il faut savoir qu'au moment où la loi Lagarde est promulguée, en 2008, avec la déliaison du prêt, on pense que le plus important est fait. Finalement, on s'est aperçu que les banques faisaient beaucoup d'obstruction a cette déliaison. Celle-ci ne s'est alors pas réellement opérée. Le client, face à son banquier, osait rarement en parler. Quand il le faisait, on lui expliquait les conséquences que cela allait avoir sur le taux du prêt, les frais ou autre...Beaucoup de plaintes sont remontées jusqu'aux autorités de contrôle, mais il a fallu attendre la loi Hamon en 2014 pour voir une réelle avancée. À partir de ce moment-là, un client pouvait changer son assurance dans l'année suivant l'octroi de son crédit, ce qui lui permettait de ne pas remettre en cause les conditions de son prêt.

C'est pour moi un élément fondamental de la libéralisation du marché. Ensuite, le législateur a considéré qu'il fallait étendre la possibilité de changement à tous les contrats, et pas seulement aux nouveaux. Après deux tentatives legislatives, un nouveau projet de loi (loi Sapin 2) intégrant  un chapitre entier concernant, notamment, la faculté de résiliation annuelle a  été adopté. Il y a eu contestation par la Fédération bancaire française, avec saisine du Conseil d'État, qui a transmis au Conseil Constitutionnel. Celui-ci a finalement validé cette loi intégrant cet amendement.

Si la libéralisation du marché est un long chemin, c'est notamment parce que pour les banquiers, l'assurance emprunteur représente une grosse partie de leurs marges.

S'il y a une forte libéralisation du marché de l'assurance emprunteur, les banques ne vont-elles pas perdre leurs meilleurs profils de client ?

P.P. : On a effectivement entendu que les bons profils allaient quitter les banques et que les autres allaient y rester. En réalité, c'est plutôt l'inverse qui se produit : beaucoup de banquiers, dès lors qu'il y a un risque médical, ont tendance à pousser les clients vers l'extérieur.

L'alignement tarifaire des banques sur les potentiels nouveaux contrats d'assurance emprunteur est-elle rétroactive ?

P.P. : Non, pas à ma connaissance. C'est d'ailleurs un élément très important. Effectivement, un client assuré depuis cinq ans chez une banque souhaitant changer d'assurance parce qu'il a trouvé moins cher ailleurs, à qui l'établissement bancaire d'origine va proposer un alignement tarifaire, peut trouver ça choquant. Il serait normal qu'il y ait une rétroactivité depuis le début du prêt.

>> A lire également : Assurance emprunteur et loi Bourquin : "les banques ne jouent pas systématiquement le jeu"

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