Assurance emprunteur : " A niveau de garantie équivalent, le prêteur ne peut pas s'opposer à une substitution "
Grâce la loi Lagarde, renforcée par la loi Hamon, les conditions pour résilier ou renégocier son assurance emprunteur sont de plus en plus accommodantes pour les Français. En cas d'invalidité, de décès ou d'incapacité de travail, cette couverture permet de protéger les assurés. Et pourtant, de nombreux clients n'y prêtent pas attention au moment de souscrire un prêt.
Joris Le Guerneuvé, responsable du service Expertise Prévoyance à la Direction Assurance Vie du groupe Covéa
Après plusieurs retournements de situations, le Parlement vient d'approuver définitivement la possibilité de renégocier son assurance emprunteur pendant toute la durée d'un prêt immobilier. Mais encore peu de Français connaissent précisément la législation en vigueur. Joris Le Guerneuvé, responsable du service Expertise Prévoyance à la Direction Assurance Vie du groupe Covéa, dresse un état des lieux du marché des contrats en délégation.
Quelles ont été les conséquences de l'application des premiers décrets de la loi Hamon ?
Joris Le Guerneuvé : Aujourd'hui, nous n'avons de retours chiffrés sur les résiliations annuelles. Nous n'avions pas prévu dans notre pilotage de pouvoir différencier les " affaires nouvelles réelles " des affaires qui venaient du dispositif Hamon. Dans un avenir proche, nous serons en capacité d'avoir ce type d'informations. En raison des nombreuses renégociations, il est très compliqué pour nous de pouvoir quantifier l'apport. Toutefois, compte tenu des remontées que l'on peut avoir de nos réseaux, nous n'avons pas le sentiment d'avoir de très fortes demandes concernant la résiliation annuelle.
C'est un marché assez compliqué. Tout dépendra de l'attitude des établissements prêteurs par rapport au contexte Hamon. Sur l'année 2016, on a pu constater que la délégation était, de manière générale, assez difficile en raison d'un contexte de taux très bas sur les prêts. Nous avons constaté un resserrement de la part de certains établissements prêteurs ne souhaitant pas laisser partir à la concurrence l'assurance emprunteur qui représentent pour elles une source importante de marges. Alors que d'un autre côté, les marges des prêts ont été considérablement réduites.
Les Français ont-ils connaissance du fonctionnement de la loi ?
Certaines notions ne sont pas très claires pour les assurés. Beaucoup de clients pensent notamment que le délai d'un an part à compter de la date de mise à disposition des fonds alors qu'il commence à partir de la signature de l'offre de prêt. Certains assurés n'ont pu de ce fait bénéficier d'une substitution " Hamon ", car il était déjà trop tard. Entre la date de signature de l'offre de prêt et la date de mise à disposition des fonds, il peut s'écouler des périodes de deux à trois à mois. Si l'assuré entame les démarches seulement un mois avant la date de signature de mise à disposition des fonds, il est déjà à plus d'un an. Nous avons eu des cas de ce type, c'est pourquoi nous encourageons les candidats à la substitution à agir le plus tôt possible après la date de mise à disposition des fonds.
Comment faire évoluer la situation pour mieux informer les assurés ?
JLG : Dans notre communication et lors des formations de nos vendeurs, nous insistons davantage sur cette nouvelle législation. Désormais, nous abordons beaucoup plus précisément le contexte de la loi Hamon, ce que ne nous faisions moins auparavant. Nous mettons bien en exergue la possibilité de mettre en concurrence l'offre du prêteur à l'adhésion mais également dans la première année qui suit la signature de l'offre de prêt. Mais donner de l'information n'est pas suffisant, pour que l'opération soit couronnée de succès il est primordial d'accompagner nos clients dans leur démarche et de les assister tout au long du " process ".
Quels types de profils pourront le plus bénéficier de la loi Hamon ?
JLG : Sur le marché des contrats en délégation, le plus gros bénéfice est le bénéfice tarifaire que l'on rencontre généralement pour les populations de moins de 45 ans. Concernant les contrats proposés par les organismes prêteurs, il est évident que le delta de tarifs est parfois tel sur les populations les plus jeunes qu'elles sont les plus tenter d'effectuer ce type de démarches.
En facilitant la résiliation, la loi Hamon va-t-elle améliorer ou tendre la relation entre les organismes prêteurs et l'assuré ?
JLG : L'enjeu est là. Les textes disent très clairement que le taux accordé au titre du prêt ne peut être conditionné à la souscription du contrat d'assurance proposé par le prêteur. Dans les faits, il y a un certain lien lors de l'adhésion. L'avantage de la Loi Hamon, c'est qu'à partir du moment où les bases du taux sont posées, le prêteur ne peut plus revenir dessus et ne peut plus s'opposer à une substitution si un contrat concurrent présente un niveau de garantie équivalent ou meilleur.
La loi Hamon va-t-elle creuser un fossé entre les bons assurés, qui bénéficient des produits les plus avantageux, et les assurés " à risque " qui ne feront pas jouer la concurrence ?
JLG : Traditionnellement, on retrouve les assurés " à risque " plus largement dans les portefeuilles des assureurs en délégation que dans les portefeuilles des organismes prêteurs, notamment des banquiers. L'assureur est généralement beaucoup plus réactif sur la tarification de risques spécifiques que ce soit au niveau des pathologies, des professions ou encore des sports. En définitives, les assurés " à risque " vont pouvoir continuer à être assurés et les " bons profils " vont pouvoir bénéficier d'une tarification plus conforme au risque qu'ils représentent.
La possibilité de renégocier son assurance emprunteur pendant toute la durée d'un prêt immobilier permettra-t-elle de faire évoluer la situation ?
JLG : Nécessairement, ça augmentera les mobilités dans les premières années du prêt. Lors de ce type d'opérations, il n'y a pas d'intérêt à aller chercher des populations qui seraient déjà assurées depuis 10-15 ans. Etant donné qu'elles arrivent en fin de prêts, l'intérêt économique est moindre. De plus, l'état de santé de ces assurés a pu évoluer entre temps et il ne faudrait pas que la nouvelle proposition soit moins couvrante que l'initiale, nous serions alors en défaut de conseil. Cette mobilité, plus forte les premières années du prêt, pourrait donc s'estomper à mesure que l'on approche du terme du contrat de prêt.