[Dossier : La France face aux enjeux de la cryptomonnaie] 2 sur 4 : un vivier de talent qui a des envies d'ailleurs...
Depuis l'annonce du lancement du Libra, la cryptomonnaie de Facebook, les monnaies virtuelles se retrouvent au coeur de l'actualité. Une question revient d'ailleurs souvent : quelle sera la réaction des États ? Boursedescredits.com vous propose un dossier intitulé « La France face aux enjeux de la cryptomonnaie ». Deuxième épisode aujourd'hui.
Lors de notre premier épisode, nous évoquions la France comme étant un des pays pionnier dans la réglementation des cryptoactifs. À travers la loi PACTE (promulguée au Journal Officiel le 23 mai 2019), la France a ainsi démontré sa volonté de devenir un acteur majeur en termes de régulation de la cryptomonnaie, en essayant d'imposer son modèle au niveau européen.
Cette ambition traduit également un autre aspect des enjeux de la cryptomonnaie en France, à savoir, éviter une fuite des talents de la Blockchain vers d'autres horizons. C'est cet enjeu que nous développerons aujourd'hui pour notre second épisode.
Une réglementation indispensable pour éviter une fuite des talents
En effet, à ce stade, une réglementation devenait indispensable afin de réguler la fuite des talents français. Les dispositions de la loi PACTE devraient ainsi inciter les acteurs de la cryptomonnaie à rester en France, voire en attirer de nouveaux, à travers notamment la labellisation des ICO (Initial Coin Offering) déjà évoqué dans un article précédent.
Lorsque l'on parle des cryptoactifs, certains pays font office de rivaux redoutables. C'est en tout cas ce que déclarait Alexandre Stachtchenko, Co-fondateur & Directeur Général Blockchain Partner en 2018, avant la promulgation de la loi : « Nos ICO partent en Suisse, nos investisseurs vont au Portugal, les DApps à Berlin, et nos cerveaux aux Etats-Unis".
Même son de cloche chez Benjamin Grange, porte-parole de Crypto Asset France, lors d'une interview à crypto-gain.fr, là aussi avant la promulgation de la loi PACTE : « Une harmonisation règlementaire européenne serait bien évidemment idéale : elle permettrait au continent de se positionner comme une terre d'accueil privilégiée des ICO et des projets crypto, et de démontrer son leadership face aux sérieux concurrents que sont l'Asie et la Suisse. ».
C'est donc avec une concurrence très forte que l'État français doit composer, d'autant que le volet de la réglementation n'est pas le seul à impacter l'écosystème de la Blockchain. Pour le moment, il est encore trop tôt pour pouvoir mesurer les effets concrets de la réforme. Pourtant, certains indices semblent montrer que plusieurs efforts restent encore à fournir pour éviter que nos talents ne s'envolent vers d'autres cieux.
Une loi qui ne résout pas tout
En effet, il serait bien naïf de croire qu'une simple loi pourrait suffire à imposer la France comme une référence absolue en termes de cryptomonnaie. Bien sûr, c'est un bon début et l'idée n'est certainement pas de dénigrer une telle avancée. Cela étant, de nombreux progrès restent encore à effectuer afin d'imposer la France comme une véritable crypto-nation.
Plus que le domaine unique de la Blockchain ou de la cryptomonnaie, c'est bien le domaine du digital français dans son ensemble qui souffre actuellement du départ de ses plus grands potentiels. Récemment, une enquête de BCG et Cadremploi relayée par Le Figaro révélait que 75% des salariés français du numérique désirent s'expatrier. Les destinations francophones comme Genève en Suisse ou Montréal au Canada sont d'ailleurs particulièrement appréciées. Une véritable concurrence internationale est donc installée dans ces métiers.
En ce qui concerne le domaine spécifique de la cryptomonnaie, sur le papier, toutes les conditions semblent réunies pour que les investisseurs puissent s'épanouir. Dans les faits, le tableau semble un peu plus contrasté, notamment au niveau des banques.
Lutter contre la réticence des banques
C'est un constat, que hélas, les lois auront bien de mal à résoudre. Les start-ups qui souhaitent se lancer en France doivent généralement franchir de nombreux obstacles. Notamment celles qui sont passés par des ICO pour financer leur lancement. Elles se heurtent souvent à la peur des banques, trop effrayées d'avoir affaire à de l'argent sale.
Malgré les dispositions de la Loi PACTE, les processus de vérifications peuvent être long et fastidieux et les recours sont nombreux. Comme le confiait récemment aux Échos, la députée Agir-La Droite Laure de La Raudière, les banques se sont engagées à s'aligner sur les recommandations de la Loi PACTE en suivant « des règles objectives, non discriminatoires et proportionnées pour régir l'accès des émetteurs de jetons ayant obtenu le visa [de l'AMF, NDLR] aux services de comptes de dépôt et de paiement qu'ils tiennent », elle précise cependant que « Les délais de recours risquent d'être longs et coûteux pour les start-up et les compétences risquent de partir à l'étranger ».
Cela ne signifie pas pour autant que la situation est désespérée, l'endiguement de la fuite des talents en matière de cryptoactifs passe également par une formation plus efficace.
L'éducation, le nerf de la guerre...
Ces derniers temps, le gouvernement multiplie les colloques traitant du sujet de la Blockchain, de ses applications futures ou présentes mais surtout du développement des compétences qui y sont liées. Il est en effet incontestable que le domaine d'application de la Blockchain est très élargi. Toujours selon les Échos, près de 10 000 emplois devraient être impactés par la Blockchain d'ici 5 à 8 ans.
Problème, pour le moment la France ne semble pas bénéficier ni des structures éducatives, ni d'un vivier de talents suffisant pour appréhender toutes les applications possibles de cette technologie. Dans ce contexte de forte concurrence internationale, la France devra vite se munir de filières de formations adaptées afin d'éviter le départ de nombreux talents à l'étranger.
Pour autant, la France commence déjà à entrevoir les différentes applications potentiellement novatrices que pourrait apporter la Blockchain et compte bien se saisir des opportunités qu'elle offre. Cependant, pour savoir lesquelles, il faudra attendre le prochain épisode....
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