Enchères immobilières : les coulisses d'une transaction
En France, un bien sur cent se vend aux enchères immobilières. Ces séances publiques, organisées par les notaires tous les mardis, dans la capitale, et une fois par mois en région, permettent aux acquéreurs d'élargir leur prospection.
Aux enchères, l'acquéreur ne bénéficie pas de condition suspensive d'obtention de prêt, ni de délai de réflexion.
Une vingtaine de personnes s'affaire dans l'appartement. Tandis que les uns tapent du poing sur les murs pour vérifier leur solidité, les autres agenouillés analysent l'état du parquet. "Je reviendrai avec un architecte lors de la prochaine visite pour avoir une idée du prix des travaux", confie Charles, intéressé par ce trois-pièces situé dans le quartier de la "Folie Méricourt", à Paris.
D'une superficie de 60 m², le logement est proposé aux enchères par la Chambre des Notaires. Sa mise à prix est de 300.000 euros, soit 39% de moins que le prix du marché. Une potentielle bonne affaire qui a attiré les acquéreurs en masse pour ce premier jour de visite. Au total, trois journées "porte ouvertes" sont programmées. Un système permettant aux aquéreurs de repérer et d'estimer d'éventuels frais liés à des rénovations.
Une transparence appréciée
Cet appartement de l'est parisien est vendu par cinq héritiers "qui n'habitent pas les mêmes régions de France et ne se connaissent pas très bien", explique Maître Chrystelle Boizot, notaire en charge de la vente. "Ils ont opté pour les enchères afin de se simplifier la tâche. Cette méthode évite d'éventuelles suspicions, il n'y a pas de contestation possible sur le prix de vente", poursuit-elle.
En plus des particuliers, le système attire les fondations, les associations, les services de l'Etat et les collectivités locales (villes, conseils généraux...). Autant de propriétaires à la recherche de transactions transparentes. "On pourra difficilement accuser une mairie d'avoir favorisé tel ou tel acheteur puisque les séances sont ouvertes au public", remarque Michel Ancelin, président de séance des ventes aux enchères de Paris.
Grâce à cette diversité de vendeurs, l'offre immobilière est variée. Les acquéreurs peuvent ainsi dénicher des appartements, des maisons, mais aussi des immeubles entiers, des terrains à bâtir, des caves, des parkings et des locaux commerciaux. Des lots atypiques, comme un phare, une caserne ou une prison, sont même parfois présentés.
Le jour J
Une longue file d'attente encombre les escaliers de la Chambre des Notaires à Paris ce mardi. Pour pouvoir enchérir, l'acquéreur doit s'enregistrer une heure avant le début de la séance et déposer un chèque de banque dont la valeur équivaut à 20% du montant de la mise à prix. Lionel, qui attend depuis une quinzaine de minutes déjà, est intéressé par l'appartement de la "Folie Méricourt".
"Je me suis fixé un montant à ne pas dépasser. Pour que ça ait un intérêt, le prix du mètre carré doit être inférieur de 1.000 euros à celui du marché", juge-t-il. Des limites qu'il est préférable de s'imposer, selon Maître Chrystelle Boizot. "C'est un peu comme au casino, mieux vaut venir avec une somme déjà prédéfinie plutôt qu'avec sa carte bancaire."
Au moment de la vente, la tension est palpable. Aux quatre coins de la salle les mains se lèvent successivement. 305, 310, 315... Lionel, hésitant, porte finalement l'enchère jusqu'à 510.000 euros, mais quelques secondes plus tard une femme la couvre à 520.000 euros. Une première mèche est allumée, puis une seconde. C'est terminé, la vente est adjugée. Par tradition, la bougie fait foi lors de ces séances. Après l'extinction de deux feux successifs, sans nouvelle enchère apportée durant le temps de combustion, l'adjudication est prononcée au plus offrant. Une fois la deuxième mèche éteinte, la transaction est définitive, sans condition suspensive d'obtention de prêt, ni délai de réflexion ou de rétractation pour le nouveau propriétaire.
Il s'agit d'un moyen comme un autre d'acheter un logement
Michel Ancelin, président de séance des ventes aux enchères de Paris
Le logement aura finalement été vendu 4,6% de plus que le prix du marché. Un phénomène assez fréquent aux enchères. Mais "de manière générale, les adjudications reflètent le prix du marché", rapporte Michel Ancelin. "Pour l'acquéreur, il s'agit d'un moyen comme un autre d'acheter un bien, mais avec la sécurité d'un acte notarié", poursuit-il.
Après l'adjudication, l'acheteur dispose de quarante-cinq jours pour régler la totalité du prix. Les frais de notaire sont plus élevés que lors d'une vente classique et s'établissent généralement autour de 11% du prix de vente, en raison du financement de l'organisation de la séance publique. "Mais à l'inverse d'une vente traditionnelle, l'acheteur ne paie pas de frais d'agence", relève Michel Ancelin.
Des enchères en ligne pour les plus frileux
Pour ceux qui seraient impressionnés par les enchères traditionnelles, les notaires ont mis en place une plateforme baptisée 36h Immo. Cet outil s'inspire à la fois du fonctionnement des ventes aux enchères et de la négociation classique de gré à gré. Après avoir visité le bien, les particuliers peuvent porter une offre en rentrant un code d'accès sur la plateforme.
La vente dure 36 heures, durant lesquelles vendeurs et acquéreurs ont accès en direct à l'émission des offres. Une fois le temps imparti écoulé, l'enchérisseur le plus offrant a le droit de signer l'avant-contrat. La vente se déroule ensuite de façon traditionnelle. Le vendeur est donc protégé par le délai de rétractation de dix jours et la condition suspensive d'obtention de prêt.
Le tribunal de grande instance accueille lui aussi des ventes immobilières
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