Comment mettre son épargne à l'abri de la crise boursière ?
La récente tempête boursière peut amener les Français, très conservateurs et avec une aversion au risque, à se poser des questions sur la gestion de leur épargne. D'autant plus que l'économie ne devrait pas repartir rapidement.
Frédéric Plessas, responsable des produits Hedios
Comment faire pour mettre son épargne à l'abri de la crise boursière ?
Frédéric Plessas, responsable des produits Hedios : "Mettre son épargne à l'abri de la crise boursière sous-entend que son argent est placé, en partie, sur les marchés actions. La question est de savoir s'il faut sortir et donc vendre à perte pour aller sur des placements garantis. Bien malin qui peut répondre de façon certaine. Si l'on fait une réponse de Normand, il y a du pour et il y a du contre.
Les taux sont si bas qu'il faut aller chercher beaucoup de risque sur la dette de certaines entreprises. L'immobilier des grandes capitales demeure également à des niveaux de prix très élevés. Les marchés actions européens ont enfin une valorisation raisonnable et pourraient donc bénéficier du manque de visibilité sur les autres classes d'actifs.
Ces forces contraires devraient générer, dans les mois ou les années qui viennent, une volatilité importante sur les marchés actions. Il ne faut donc pas exclure d'autres mouvements baissiers. Toutefois, la baisse d'environ 25 %, proche d'un krach, que les marchés européens ont déjà subie entre fin novembre 2015 et mi-février 2016, devraient limiter ceux-ci."
A quoi est liée la récente chute des marchés financiers ?
F.P : "Les inquiétudes sont venues essentiellement de la Chine. Il ne s'agit plus là d'un pays émergent mais bien d'un pays dont le rôle dans l'économie mondiale est moteur. Or, son économie ralentit et la bulle financière commence à éclater.
Dans un second temps, le pétrole subit un krach dû à la fois au ralentissement chinois, mais également au maintien de surproduction orchestré par l'Arabie Saoudite pour des raisons géostratégiques. Si certains pays consommateurs peuvent en tirer profit, d'autres pays producteurs se retrouvent dans des situations compliquées, comme le Brésil par exemple."
Qu'a-t-elle coûté aux Français ?
F.P : "Sur le plan de l'épargne, les Français sont très conservateurs et ont une grande aversion au risque. Cette crise s'est traduite par un manque de liquidité pour les investisseurs en obligations d'entreprises, surtout aux Etats-Unis, où dans le domaine pétrolier, un nombre important de sociétés sont en difficulté ou en faillite. Sur le plan des actions, la baisse a été violente et a touché particulièrement le secteur financier avec des craintes sur une inflation des créances douteuses.
Les Français ont surtout été affectés psychologiquement, car le nombre de détenteurs d'actions est très faible. Concernant l'assurance-vie, le placement préféré des Français qui représente plus de 50% de l'épargne financière totale, seuls 15% en moyenne sont placés sur des unités de compte (fonds actions ou obligataires) comportant un risque de perte.
Il s'agit en général d'épargne long terme qui permet d'envisager une remontée des marchés. Si l'exposition n'est pas trop importante par rapport à un profil de risque accepté, il est sage d'attendre. Un fond est diversifié et ne subit pas la baisse de façon aussi importante que si l'on est investi en direct sur quelques titres qui auraient beaucoup baissés et qui auraient du mal à remonter au niveau d'achat."
Quelles sont les craintes des Français ?
F.P : "Les Français ont pris conscience que les taux resteront bas compte tenu d'une économie qui ne repartira pas rapidement. Ils ont aussi conscience que la rémunération du fonds en euro dont le capital est garanti dans leur contrat d'assurance-vie, va continuer de fondre comme neige au soleil. Ils voudraient bien prendre un peu de risque, mais ils ne savent pas forcément comment, car ils n'ont pas nécessairement le temps ni les connaissances. Ils n'ont par ailleurs pas de conviction sur un fort rebond des marchés actions après la baisse récente qui a été perturbante.
On voit également ressurgir des questions sur le fonds de garantie des assurances, matérialisant une inquiétude de certains sur le risque de faillite d'un assureur ou d'un banquier. Le fonds de garantie des assurances garantit 70.000 euros par assuré et pas assureur. Ce fonds ne doit guère dépasser le milliard d'euros, ce qui est une goutte d'eau à l'échelle des encours de l'assurance-vie de 1.600 milliard d'euros et très faible pour une seule compagnie qui peut facilement représenter 30 à 50 milliards d'euros.
S'il existe un risque pour un gros assureur, on peut aisément penser que cela toucherait tous les assureurs. Par conséquent ce fonds de garantie est un leurre. S'il a vocation à rassurer, alors tant mieux. Mais il ne s'agit pas d'être alarmiste, car on ne voit pas bien comment la faillite d'un assureur majeur ou d'une banque avec des réactions en chaîne pourrait intervenir."
Existe-il un risque de faillite bancaire ?
F.P : "Comme pour les assureurs, le fonds de garantie des banques est infime. Les craintes sont venues de faillites de sociétés dans le secteur pétrolier aux Etats-Unis, faisant dire à certains que l'on pouvait vivre un nouveau "Subprime". Il semble que les encours de crédits liés au secteur pétrolier soient très faibles comparés aux crédits immobiliers à risque au moment des subprimes.
Les banques françaises sont solides, elles ont renforcé leurs fonds propres et ont passé les tests de stress des marchés que leur ont infligés les autorités de régulations européennes.
La faillite de Lehman Brothers est encore dans les mémoires, mais il s'agissait d'une banque de marché et non d'une banque de réseau. Par ailleurs, les autorités américaines ont compris leur erreur et ont soutenu ensuite tout le secteur financier. Laisser tomber une banque d'envergure entraînerait de façon presque certaine un risque systémique, de faillites en chaîne. Cela a assez peu de chance d'arriver dans un pays développé."
Comment faire face à l'instabilité et la volatilité des marchés ?
F.P : "Le meilleur moyen de faire face à la volatilité des marchés est de n'investir que la partie qui correspond à son acceptation du risque, d'avoir du temps devant soi et surtout de bien diversifier ses placements à risque."
Quelles sont les alternatives et les stratégies pour les épargnants ?
F.P : "Chez Hedios, nous avons développé dans nos contrats d'assurance-vie depuis 2009, les Gammes H. Il s'agit d'une alternative à des placements actions ou obligataires qui peut venir avantageusement remplir cette poche d'investissement destinée à dynamiser la performance des fonds en euros dont le rendement baisse ostensiblement.
Les Gammes H permettent des gains conséquents en cas de stabilité ou quasi-stabilité des marchés, tout en offrant une protection du capital au terme, dans certaines limites. Elles reposent sur des engagements contractuels de banque sur des échéances et des coupons fixés dès le départ, avec des risques parfaitement identifiés. Les Gammes H offrent ainsi une bonne visibilité et ne nécessitent pas de connaissances particulières des marchés, ni de gestion du timing".
Assiste-t-on à un retour vers les placements sans risque ?
F.P : "Non, je ne crois pas, au contraire. Les taux sont si bas que les placements sans risque ne rapportent plus rien. Dans le même temps, les Français s'interrogent sur leur retraite. On va certainement s'orienter vers une constitution d'épargne de plus en plus jeune pour assurer ses projets d'avenir ou sa retraite. Donc si on dispose de temps, on peut plus facilement aller vers une partie plus importante de risque afin d'augmenter un rendement sans risque, famélique.
D'autre part, les compagnies d'assurance-vie ne souhaitent plus collecter sur leurs fonds en euros dont la gestion devient compliquée compte tenu des taux proches de zéro. Elles proposent ainsi une multitude d'offres commerciales pour inciter les souscripteurs à mettre une partie de plus en plus importante sur les unités de compte comportant un risque de perte. Le message est clairement passé auprès de leurs réseaux de distribution qui poussent dans ce sens. D'ailleurs, environ 50 % de la collecte nette en assurance-vie en 2015 s'est faite sur les unités de compte contre 15 % historiquement."
Quels sont les placements à éviter ?
F.P : "Je ne sais pas s'il y a des placements à éviter. Le tout est de faire les choses avec discernement, c'est-à-dire de prendre des risques à la mesure de ce que l'on peut accepter et surtout de diversifier ses investissements".
Quelles sont les valeurs sûres/refuges (oeuvre d'art, immobilier, or) ?
F.P : "Y a-t-il vraiment ou y a-t-il encore des valeurs refuges ?
L'or a perdu plus de 30% entre 2011 et 2013 et se situe aujourd'hui à 40 % en dessous de ses plus hauts pourcentages de 2011. Les risques qui planent sur les marchés devraient redonner des couleurs au cours de l'or, mais comme on le voit avec les amplitudes de variation, cela reste sportif. Dans l'optique d'être diversifié, l'or peut avoir sa place dans un portefeuille de placements.
Si l'on ne parle pas de résidence principale, mais de placement, l'immobilier ne peut pas apparaitre comme une valeur refuge. D'abord, il s'agit d'un placement très illiquide, a fortiori lorsque le marché se grippe. Or l'immobilier a connu un cycle de hausse de 10 ans et dans les précédentes crises, l'immobilier a connu des baisses sensibles.
Quant au marché des oeuvres d'art, il s'adresse à des connaisseurs et à des gens plutôt fortunés. Il ne s'adresse donc pas à des personnes souhaitant agir rapidement pour protéger une partie de leur patrimoine. Il n'est pas non plus très liquide et en ce sens, on peut difficilement le catégoriser comme valeur refuge".
Les Français sont-ils bien conseillés dans leur volonté d'épargner ?
F.P : "La majorité des Français ne sont pas conseillés et qui plus est, les connaissances financières et fiscales ne sont pas très développées.
Pour l'essentiel, les conseils sont donnés par les réseaux bancaires, or les informations fournies en agence sont en général assez limitées. Les offres de placements proposées sont celles de la banque avec des frais importants afin de payer la structure et il n'y a donc pas d'approche produit indépendante.
Il est dommage de constater que beaucoup de personnes s'impliquent énormément pour gagner de l'argent, mais que bien souvent, ils ne consacrent aucun temps à faire fructifier leur épargne ou à anticiper leur retraite ou transmission. Cela leur permettrait d'économiser beaucoup d'argent".
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