Syndicat bénévole : la fausse bonne idée ?
De plus en plus mécontents de leur syndic professionnel, certains copropriétaires choisissent de l'abandonner pour gérer eux-mêmes leur résidence. Mais le syndic bénévole n'est pas toujours la solution adaptée, surtout depuis la loi Alur.
61% des propriétaires sont insatisfaits par leur syndic
61. C'est le pourcentage de copropriétaires insatisfaits par leur syndic, selon un sondage de l'association de consommateurs CLCV paru le 10 novembre dernier. Soit une augmentation de dix points en seulement deux ans. Mauvaise gestion, honoraires excessifs, manque de transparence ou de réactivité... Les raisons invoquées sont nombreuses. C'est pourquoi plusieurs copropriétés font le choix du syndic non-professionnel.
Le principe : élire l'un des copropriétaires, volontaire, pour gérer lui-même la résidence. Ce travail peut être bénévole ou indemnisé. La dernière étude de l'INSEE à ce sujet remonte à 2004 : il y a dix ans, seulement 10% des copropriétés étaient gérées de cette manière.
Un pourcentage en hausse, selon l'association des responsables de copropriété (ARC). « Par rapport à nos adhérents, les syndics bénévoles représentent désormais plus de 10% des syndics en France, d'après notre dernier observatoire des charges », constate Christophe Grand, juriste à l'ARC. Il explique cette augmentation par « le maintien de pratiques abusives et illicites » des syndicats de copropriété.
Entre syndic et copropriétaires, le fossé se creuse
Parmi elles, la hausse arbitraire des honoraires. Les syndicats ont jusqu'en mars 2015 pour mettre en place des comptes bancaires séparés, attribués à chacune de leurs résidences. Cette mesure de la loi Alur représente pour eux une perte financière. En compensation, ils envisagent d'augmenter leurs honoraires de 20% en moyenne. Pour les copropriétaires, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
À Paris et dans les grandes agglomérations, les syndics bénévoles se développent plus qu'ailleurs. Et pour cause, les très petites résidences, de quatre, six ou huit lots, foisonnent. « Les petites copros ont du mal à trouver un syndic, car ça ne les intéresse pas. Même les mandataires indépendants proposent des tarifs prohibitifs », raconte Luc Caille, représentant de la Chambre nationale des propriétaires. Les honoraires varient peu selon le nombre de lots. Ainsi, ces charges fixes se « divisent mal » entre les copropriétaires, peu nombreux, d'une petite résidence.
« Directement sur place »
Ainsi, de plus en plus de copropriétaires n'hésitent plus à franchir le pas. Un peu de temps libre, quelques notions juridiques ou administratives : ces critères suffisent parfois à faire du « copro » un bon gestionnaire. « L'avantage, c'est que le bénévole est directement sur place et plus impliqué qu'un syndic qui détient entre 1500 et 3000 lots », avance Christophe Grand.
Sans oublier que l'oisillon n'est pas lâché dans la nature. Le travail du syndic bénévole est facilité par des associations comme l'ARC, qui accompagnent les non-professionnels dans la comptabilité et la gestion administrative.
Des abandons fréquents
Cela semble assez simple sur le papier, mais le système a ses limites. Quitter un syndic professionnel au profit d'un bénévole n'est pas recommandé pour de grosses résidences. « C'est une chose d'avoir à gérer une dizaine de factures et un ou deux débiteurs, c'en est une autre de s'occuper de centaines de factures et une trentaine de débiteurs ! », nuance Christophe Grand.
Parfois, les difficultés sont tellement sous-estimées que les copropriétés retournent au syndic professionnel. « Ils viennent nous voir car ils n'en peuvent plus », témoigne Rachid Laaraj, fondateur du courtier en syndicat Syneval. « Dans les petites copropriétés, cela entraîne des relations exacerbées entre voisins ». Autre obstacle, les « obligations sur les syndics ont sensiblement augmenté depuis la loi Alur », poursuit Rachid Laaraj.
Sylvain Elkouby, fondateur du syndic professionnel Syndic Experts à Paris, confirme la tendance. En un an, il a récupéré trois résidences gérées bénévolement. « Ils en ont marre car la législation se complique. Ils n'arrivent plus à suivre ».
Un argument peu convaincant pour l'Association des responsables de copropriété : « la surcharge de travail avec la loi Alur, c'est un mythe », affirme Christophe Grand. « Il n'y a aucun bouleversement dans la gestion courante ».
Un « manque de relationnel »
Tous s'accordent sur au moins un point : loi Alur ou non, rien ne justifie l'augmentation arbitraire des honoraires, souhaitée par certains syndics. L'autre point de crispation, c'est « le manque de relationnel », soutient Sylvain Elkouby. « J'ai fondé une petite structure en misant tout sur la proximité avec les gens, la dimension humaine ».
Pour cela, SyndicExpert a parié sur les nouveaux outils. « Nous avons créé une interface sur notre application smartphone où les propriétaires peuvent nous joindre de manière beaucoup plus simple et directe. C'est un gage de transparence supplémentaire ».
Seconde solution, le syndic virtuel. Un juste milieu entre le bénévole et le professionnel. «Beaucoup de copropriétaires n'osent pas sauter le pas vers le syndic bénévole : pour ces petites résidences, sans trop d'éléments collectifs à gérer, l'idée est d'avoir une assistance via Internet en guise de complément. Cela évite les erreurs parfois importantes en matière de comptabilité », conseille Syneval. À l'ère 2.0, le lien entre le syndic et ses clients semble se renforcer par... écrans interposés.